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Lettre ouverte à Marisol Touraine

dimanche 26 mai 2013, par Jean-Claude Maleval

LETTRE OUVERTE à M. TOURAINE, Ministre de la Santé, pour Le retrait du 3ème Plan autisme et la création d’institutions expérimentales.

Pourquoi s’adresser à Marisol Touraine, Ministre de la Santé, concernant le 3ème plan autisme, plutôt qu’à Mme Carlotti, qui en a eu la charge ? D’une part, parce que la position partisane de cette dernière ne laisse guère d’espoir à ceux qui ne la partagent pas de se faire entendre d’elle. D’autre part, pour avoir côtoyé Alain Touraine, à Nanterre, pendant mes études, je fais l’hypothèse que sa fille, est une femme de culture, cherchant à s’informer, comme lui, à toutes les sources.

Mrs Fasquelle et Rouillard voulaient promulguer une Loi interdisant la psychanalyse avec les autistes. Un large débat démocratique aurait été incontournable pour y parvenir. Ils semblent y avoir renoncé. D’ailleurs ce n’est plus nécessaire : la bureaucratie de Mme Carlotti s’y emploie. En catimini. Sans prendre le risque d’échanges contradictoires. En rédigeant le 3ème plan autisme. Ainsi ce qui n’était guère envisageable par la voie parlementaire serait maintenant obtenu par le coup de force d’une mesure bureaucratique.

Que les meilleures méthodes de prise en charge des autistes allient stratégies éducatives et approches psychodynamiques est une opinion qui bénéficie aujourd’hui d’un large crédit auprès des spécialistes, des autistes de haut niveau et des professionnels. Le 3ème plan autisme ne l’entend pas ainsi. Il martèle que son choix exclusif en faveur de stratégies éducatives repose sur des bases scientifiques incontestables, qu’il entend imposer avec force, celles recueillies par le rapport de la Haute Autorité de Santé publié en 2012. Pourtant, l’une des conclusions majeures de celui-ci établit qu’il n’existe aucune preuve scientifique solide permettant de prôner quelque méthode que ce soit pour la prise en charge des autistes. Pour qui prend le temps de s’attarder sur l’état actuel des connaissances, le 3ème plan autisme apparaît comme un colosse aux pieds d’argile.

Les conclusions de la HAS restent prudentes et incertaines, très éloignées des déclarations triomphantes des vendeurs du 3ème plan, quand ils glorifient les méthodes « qui marchent ». Chacun s’accorde à considérer que la méthodologie utilisée par la HAS donne une prime importante à l’évaluation des méthodes éducatives par rapport à l’appréciation des approches psychodynamiques. Les précautions utilisées dans les recommandations de stratégies éducatives n’en sont que plus notables. Elles s’appuient sur des évaluations chiffrées. Or comment additionner une trappe à serrer et deux compagnons imaginaires, auxquels il faut ajouter une machine-auto, une ville fictive et des intérêts privilégiés pour les nombres ? « Ce n’est pas possible », répond l’expert attaché à la méthodologie de la HAS, « laissons cela hors de nos études ». Il s’agit pourtant d’inventions ayant permis à des autistes (Temple Grandin, Donna Williams, « Joey », Gilles Tréhin, Daniel Tammet, Donald Tripplet) de sortir de leur solitude et d’accéder à une vie sociale. Ces informations issues de biographies et d’études de cas longitudinales sont capitales pour la compréhension de la prise en charge des autistes. Mais n’étant pas généralisables, elles sont négligées dans le rapport final de l’HAS, publié en mars 2012, qui entend faire valoir des recommandations valables pour tous. Les autistes de haut niveau témoignent régulièrement que la sortie de leur solitude soit passée par une invention singulière, non reproductible, n’intéresse pas la HAS : ce qu’elle veut, c’est du chiffre, uniquement du chiffre. Qui ne comprend pourtant que la solution trouvée par un autiste ne vaut pas pour un autre ?

Six autistes de haut niveau ont été interviewés par les experts de la HAS. Sera-t-on surpris que quatre d’entre eux se déclarent en désaccord avec les conclusions du rapport final ? Ils estiment ne pas avoir été entendus et n’avoir eu « quasiment aucun impact sur le contenu du texte » [1] Ces réactions ne sont-elles pas l’indice que leur parole ne peut trouver place dans le rapport de l’HAS que par l’entremise d’une réduction chiffrée ? Quant au 3ème plan autisme, il affirme sa sollicitude pour les « usagers », dont un comité pourra maintenant surveiller les CRA (Centres Ressources Autisme), mais il faut comprendre qu’il désigne par là les parents, et non les autistes eux-mêmes. Or les opinions des uns et des autres divergent souvent. Une autiste de haut niveau, telle que Dawson, a fortement souligné ce qui s’apparente, selon elle, à un « conflit d’intérêt » entre les parents d’autistes et leurs enfants. Elle le compare au choix du sexe fait par les parents concernant des enfants dont le genre est ambigu. Ce choix a maintes fois été infirmé par ces derniers à l’adolescence, de sorte que l’on tend aujourd’hui à privilégier l’autodétermination de l’enfant. De surcroît le 3ème plan autisme affirme vouloir former les parents « aux recommandations de la HAS et de l’ANESM », conçues comme interdisant les approches psychodynamiques, au mépris de l’opinion contraire de nombre d’entre eux (Berger J [2]., Allione M.et C. [3], Vollin L. [4], Battut M. [5]), parfois regroupés en association [6], qui prônent avec sagesse la pluralité des approches.

Bien que Dawson, autiste canadienne de haut niveau, et chercheuse en sciences cognitives, soit plusieurs fois citée par l’HAS, il est surprenant que l’un de ses travaux majeurs, celui dans lequel elle évoque le conflit d’intérêt mentionné plus haut, n’ait pas été inclus dans la bibliographie pourtant foisonnante ayant servi de support au rapport final de la HAS. Il est vrai que « The Misbehaviour of Behaviourists », sous-titré « Ethical Challenges to the Autism-ABA Industry » constitue une recherche qui s’inscrit en faux contre une conclusion majeure de la HAS : la recommandation de la méthode ABA. Certes la recommandation de celle-ci reste mesurée, néanmoins un privilège lui est accordé. Qu’en pense Dawson ? « Les terribles souffrances des premières semaines d’ABA, écrit-elle, ne sont pas dues à l’extraction hors de nos supposés mondes privés. Il est plus plausible que les pleurs, les cris perçants et les fuites soient ceux du soulèvement d’un enfant qui est forcé de manière répétitive à abandonner ses points forts » [7] À l’instar de la plupart des autistes de haut niveau, Dawson prône pour la prise en charge de l’autisme un appui sur « le savoir implicite » et un respect « des points forts ». Ces notions capitales, souligne E. Laurent, sont irréductibles « aux comportements explicites et mesurables de l’apprentissage », c’est pourquoi Dawson réclame « un accès éducatif au savoir qui respecte le sujet autiste et lui laisse développer lui-même ses compétences » [8].

Certes, ce sont parfois des techniques psychanalytiques inappropriées qui sont dénoncées avec pertinence par des autistes de haut niveau (Gunilla Gerland, Josef Schovanec) ; mais tous s’accordent sur l’importance majeure de prendre en compte leurs différences pour initier les acquisitions, ce que cherchent à gommer les méthodes d’apprentissage, fondées sur le savoir de l’éducateur. Beaucoup de spécialistes méconnaissent que les principes sur lesquels se fonde l’approche psychanalytique contemporaine de l’autisme répondent aux attentes de Dawson en mettant l’accent sur les inventions de l’autiste et sur son « savoir implicite » pour lutter contre ses angoisses. Même ceux qui ne caricaturent pas l’approche psychanalytique possèdent cependant quelque raison de ne pas en être informé : la « psychanalyse » avec les autistes évoquée par le rapport de l’HAS manque, comme le souligne le Pr Houzel, d’une « définition de la psychanalyse elle-même ». Il observe à juste titre que « sous cette appellation beaucoup d’approches différentes, voire opposées, sont proposées », de sorte que « parler de la psychanalyse en général n’a aujourd’hui aucun sens » [9]. Précisons donc que l’approche psychanalytique de l’autisme à laquelle nous nous référons dans le courant lacanien, ne prône ni recherche d’un sens caché, ni interprétation des formations de l’inconscient, ni alignement sur la cure des psychotiques. Elle trouve son fondement dans « la pratique à plusieurs » [10], qui donne une fonction prépondérante au « savoir implicite » de l’autiste, à ses points forts et à ses inventions, en particulier celles construites à partir de son bord (objet autistique, double et îlot de compétence) [11]. Quand A. Di Ciaccia invente « la pratique à plusieurs », en 1974, à l’Antenne 110 de Bruxelles, il insiste sur le fait que le non-savoir des soignants est une condition nécessaire pour que les enfants sortent de leur repli et se risquent à inclure un Autre dans leurs opérations [12]. Pour être en mesure d’accueillir les inventions des autistes, l’inattendu doit pouvoir trouver place dans le fonctionnement institutionnel. La polarisation de celui-ci sur des apprentissages contraints ne le permet pas.

La méthodologie de l’HAS.

La HAS ignore « la pratique à plusieurs ». Peut-être est-elle englobée dans les « approches psychanalytiques » et la « psychothérapie institutionnelle » considérées comme des « interventions globales non consensuelles ». Elles sont ainsi qualifiées parce qu’il ne s’avèrerait pas possible de conclure à la pertinence de ces interventions, en raison « d’absences de données sur leur efficacité et de la divergence des avis exprimés » [13]. La littérature consacrée aux traitements psychanalytiques de l’autisme est pourtant considérable. S’il est vrai qu’il n’existe aucune donnée sur ce point, c’est à la condition de préciser : aucune de celles qui satisfont aux exigences méthodologiques de l’HAS. En revanche, trois méthodes d’apprentissage sont appréciées de manière plus positive. Certes, la HAS se montre prudente : elle s’en tient à des recommandations ; de surcroît elle reconnaît qu’aucune des méthodes ne repose sur des preuves scientifiques établies. Cependant, deux d’entre elles, la méthode ABA et le programme développemental de Denver [14], bénéficient d’un grade B qui désigne une « présomption scientifique » d’efficacité, tandis que le programme TEACCH obtient le grade C, désignant « une faible niveau de preuve » [15]. Il est passé sous silence que le rapport final de l’HAS n’appréhende « la preuve » que sous l’angle de séries statistiques, établies à partir d’éléments isolés dans des cohortes de cas. Elle néglige ainsi l’histoire et la complexité du cas singulier dont l’étude de l’évolution apparaît plus probante pour les psychanalystes. Qui plus est, le 3ème plan autisme ne limite pas son approche aux enfants et aux adolescents, il n’hésite pas à traiter des adultes autistes pour lesquels la HAS avait fait d’autres recommandations en 2011. Or celles-ci étaient encore beaucoup plus incertaines. Selon la revue indépendante Prescrire « faute de documents d’un bon niveau de preuves, toutes les recommandations [y] sont des avis d’experts obtenus par consensus non formalisés ». Il en résulte « au final » un guide qui « promeut le repérage des adultes autistes sans avancer des propositions solides de prise en charge. Les lecteurs, conclut Prescrire, ne trouveront pas dans ce guide les réponses à la question : repérer pour quoi faire ? » [16]. Il oriente cependant davantage vers une prise en charge individualisée que vers une approche standardisée : « il est recommandé d’effectuer des démarches d’évaluation du fonctionnement adaptées à la singularité de la personne pour élaborer un projet personnalisé » [17]. Il en résulte que la HAS prône plutôt des approches éducatives normatives pour les enfants et les adolescents, tandis qu’au contraire un projet personnalisé conviendrait aux autistes adultes. Ajoutons que le rapport Warren (2011) de l’académie de pédiatrie américaine, en utilisant une méthodologie et une échelle comparable à la HAS, ne cote pas la méthode ABA au niveau B, mais au niveau C (faible niveau de preuve). Dès lors, la rigueur scientifique variable de ces évaluations, la pauvreté des informations sur la prise en charge des autistes adultes, l’absence de données conformes aux attentes de la HAS concernant les approches psychanalytiques, tout cela devrait justifier la plus grande prudence dans les orientations du 3ème plan. Tout au contraire il veut imposer à la France entière des méthodes qui, même appréciées avec une méthodologie qui leur est favorable, ne reposent que sur des bases très incertaines, et certainement pas sur des preuves scientifiques établies.

Du constat de l’« absence de données » sur les approches psychanalytiques certains concluent rapidement au refus des psychanalystes d’évaluer leurs pratiques. Il est vrai que la méthodologie retenue par l’HAS suscite de vives réticences de leur part. Mais le problème est le même pour l’évaluation des psychothérapies sur les troubles psychiatriques de l’adulte, or pour répondre à la demande sociale des études se sont malgré tout forgées dans le moule prôné par l’HAS, celui de l’Evidence Based Medicine (EBM) [18]. Des recherches américaines et allemandes montrent que sur le long terme les cures psychodynamiques et psychanalytiques obtiennent des résultats d’efficacité supérieurs à ceux des psychothérapies cognitivo-comportementales [19]. À cet égard on doit s’étonner qu’un rapport officiel récent sur l’autisme, celui de Mme Létard, se révèle mal informé et franchement partisan en ne reculant pas à considérer comme des vérités scientifiques les résultats du rapport de l’INSERM sur l’évaluation des psychothérapies effectué en 2004. Il avait suscité de telles critiques sur sa méthodologie que le Ministre de la Santé, le Dr Douste-Blazy, l’avait désavoué. Selon la lecture de Mme Létard il « conclut à la supériorité incontestable des thérapies cognitivo-comportementales par rapport aux thérapies psychanalytiques, et cela dans toutes les pathologies étudiées » [20]. Or toutes les méta-analyses antérieures et postérieures s’accordent sur un autre résultat, à savoir l’absence de différence notable quant à l’efficacité thérapeutique de toutes les thérapies de bonne foi, y compris celles qui se réfèrent à la découverte freudienne [21]. Pour beaucoup de psychanalystes ces études inspirées de la médecine factuelle manquent l’essentiel : faute de pouvoir chiffrer les modifications du fonctionnement subjectif, ils s’y intéressent peu. Le problème de l’évaluation des « pratiques psychanalytiques » concernant l’autisme est de nature différente et beaucoup plus complexe encore. L’absence de données n’est ni un fait de hasard, ni une résultante de l’insuffisance des études, elle s’ancre plus profondément dans des problèmes méthodologiques aujourd’hui non résolus.

Comment quantifier les effets d’une cure psychanalytique avec un enfant autiste sachant qu’elle est presque toujours associée à des méthodes éducatives, l’engagement dans une cure n’impliquant pas la cessation des activités scolaires ? De surcroît, les cures analytiques d’autistes sont rares, la pratique la plus fréquente est celle de « prises en charge institutionnelles à référence analytique », lesquelles incluent toujours des activités scolaires, parfois de l’orthophonie, de la psychomotricité, de l’ergothérapie, de l’équitation, etc. Dans « la pratique à plusieurs » mise en place par les institutions orientées par l’enseignement de Lacan pour traiter les enfants autistes, aucune cure thérapeutique ou psychanalytique n’est pratiquée. « Ce qui est proposé, souligne Di Ciaccia, c’est l’immersion des enfants autistes dans un espace de vie physique et psychique » [22]. Des groupes de travail appelés ateliers y sont constitués, dans lesquels des enfants et des adultes s’occupent à différentes activités : de la cueillette des champignons dans les bois à la piscine, de la danse à la cuisine, etc [23]. Une conséquence majeure est tirée du fait que l’enfant autiste ne demande rien du tout, « rien, précise Di Ciaccia, de ce que le dispositif analytique peut offrir dans le cadre d’une cure […] La demande, insiste-t-il, est la condition première pour qu’une psychanalyse soit une expérience de l’inconscient, une véritable cure, fonctionnelle et opératoire. Si cette condition n’est pas remplie, le dispositif analytique ne peut pas fonctionner » [24]

D’autre part, où commence et où s’arrête la référence analytique sachant qu’une technique cognitivo-comportementale comme le programme de Denver se fonde partiellement sur les théories psychanalytiques de M. Malher ? [25]

L’HAS entrevoit parfois la difficulté quand elle note que « la frontière entre volet thérapeutique et éducatif est parfois artificielle et floue ». Une même activité, précise-t-elle, (par exemple une activité aquatique) peut avoir des objectifs éducatifs et/ou thérapeutiques parfois en fonction du professionnel qui la met en œuvre. Bref, dans le travail avec les enfants autistes, il est d’une extrême difficulté de séparer le thérapeutique, le pédagogique et l’éducatif, ces volets étant en permanence intriqués [26].

De telles remarques restent marginales dans les recommandations de l’HAS, pourtant une conséquence capitale en découle : elles donnent la raison de « l’absence de données » concernant l’efficacité de la référence analytique dans le traitement des autistes quand l’évaluation est contrainte dans la méthodologie choisie par l’HAS. Dans ce cadre il est impossible d’évaluer la part de la référence analytique, puisque celle-ci n’agit quasiment jamais de manière isolée. L’HAS insiste sur le fait qu’il convient d’intervenir auprès des autistes le plus précocement possible. Le traitement envisagé porte principalement sur les jeunes enfants. Or, à la différence des adultes, la scolarisation, quand elle est possible, fait partie de la vie sociale de ceux-ci. Parmi les modes d’intervention divers déployés auprès des enfants autistes par les prises en charge institutionnelles à référence analytique ne manque jamais la scolarisation interne ou externe à l’établissement ; comment dès lors évaluer avec rigueur la part qui revient à la référence psychanalytique et celle qui revient aux efforts pédagogiques ? Sans oublier celle qui résulte des divers ateliers (piscine, équitation, etc.) et celle encore relative à la mise en œuvre de techniques de rééducation (orthophonie, psychomotricité…) ? La référence analytique quand elle s’inscrit dans la psychothérapie institutionnelle incite à prendre en compte l’ensemble du fonctionnement du sujet, pour cela elle cherche à lui offrir un panel d’activités parmi lesquelles il aura une chance de trouver celles qui lui conviennent le mieux.

La psychanalyse avec les autistes ne serait alors qu’une pratique éclectique ou intégrative ? Celles-là même que dénonce Mme Langlois, Présidente d’Autisme France, dans ses commentaires du rapport final, car elles ne serviraient qu’à « cautionner la psychanalyse ». En fait l’approche psychanalytique de « la pratique à plusieurs » est plus qu’une pratique intégrative : les diverses activités qui s’y trouvent incluses valent moins par elles-mêmes que subordonnées à un principe directeur - l’orientation du travail sur les inventions du sujet. Même les plus minimes sont importantes, car elles manifestent un travail de l’enfant pour se protéger de l’angoisse.

Il faut insister sur le fait que les prises en charge institutionnelles à référence psychanalytique pour les autistes sont indissociables d’activités pédagogiques internes ou externes. Ce n’est pas le cas pour tous les traitements qui leur sont proposés. Ainsi la méthode des 3i, malgré ses mérites - il s’agit d’une technique qui met le jeu au premier plan, et non la contrainte - est classée dans les « interventions globales non recommandées » [27], pour la raison, à mon sens justifiée, « du caractère inacceptable de la déscolarisation exigée par cette méthode » [28].

Rappelons que le pionnier du traitement des autistes référé à la psychanalyse travailla avec eux dans un institut nommé « Ecole Orthogénique de Chicago » dont un des trois bâtiments était essentiellement consacré aux salles de classes, tandis que certains enfants accueillis étaient scolarisés à l’extérieur. Des techniques pédagogiques diverses, plus souvent empruntées, il est vrai, à Montessori, Decroly ou Freinet qu’à la méthode ABA sont régulièrement mises en œuvre dans les institutions qui se réfèrent à la psychanalyse. À cet égard, « la pratique à plusieurs » prône un « doux forçage » (A. Stevens). Ce n’est pas par le degré de fermeté que le « doux forçage » se distingue de l’apprentissage contraint, la différence tient à leur nature même. Le « doux forçage » prend appui sur les intérêts du sujet ; l’apprentissage contraint sur le savoir de l’éducateur. Le premier trouve ses racines dans la dynamique subjective ; le second l’ignore. Le « doux forçage » s’oriente le plus souvent d’une pédagogie active et de techniques ludiques, lesquelles, en laissant une place aux choix de l’enfant, cherchent à l’inciter à agir, plutôt qu’à agir sur lui.

Étonnante valorisation de l’approche comportementale.

Les psychanalystes s’engageraient-ils dans une tentative d’évaluation de leurs pratiques avec les autistes, en se conformant à l’Evidence Based Medicine, qu’on en connaît déjà les résultats majeurs. D’une part, on ne saurait pas exactement ce qui relèverait de la référence psychanalytique ou d’interventions connexes quant à ce qui serait évalué ; d’autre part, la méthodologie n’atteindrait pas la rigueur exigée pour obtenir une preuve scientifique puisqu’aucune étude n’a jusqu’alors été en mesure de les réunir. Ajoutons que la méthode la plus étudiée, la méthode ABA, souvent prônée, n’a jamais pu être comparée à la « référence analytique ». À cet égard, l’un des experts de la HAS, le Pr Mille, justifie son désaccord avec le rapport final, en soulignant que « la valorisation des approches comportementales aurait mérité plus de précautions, eu égard aux réserves exprimées par des chercheurs et certaines associations d’autistes de haut niveau. Il importerait également de comparer l’efficacité de telles méthodes avec celles d’autres approches relationnelles qui disposeraient de moyens comparables (20 à 25 heures par semaine) » [29]. Laurent Mottron, spécialiste de l’autisme, directeur de recherche au laboratoire de sciences cognitives de Montréal, affirme à propos de l’évaluation de la méthode ABA : « le rapport évalue mal les données sur lesquelles il se base pour lui donner la cote B. Les résultats de l’ABA sont gonflés, cette technique pose de gros problèmes éthiques, elle se fonde sur une science périmée. L’HAS a pris sur ce point une position plus généreuse que le rapport Warren (2011) de l’académie de pédiatrie américaine, qui lui donne une cote moins bonne de C, selon une échelle comparable » [30]. On conçoit que la rigueur scientifique variable de ces évaluations ne justifie que des recommandations prudentes.

La première étape dans la pratique de la médecine factuelle consiste à formuler de manière claire et précise une question clinique qui doit être en relation directe avec le problème médical posé. Il est clair que cette exigence ne peut être mise en œuvre pour apprécier les « prises en charge institutionnelles à référence analytique » relativement au traitement des enfants autistes. Ce qui caractérise la référence analytique, rappelons-le, consiste à donner un choix d’activités à l’enfant et à l’accompagner dans ses inventions singulières.

Le Président de la HAS, le Pr Harousseau, hématologue, peu au fait de la spécificité du travail avec les autistes, se scandalise de ce qu’il découvre concernant l’évaluation de leur traitement. « La psychanalyse, affirme-t-il, doit accepter l’évaluation. Ce n’est pas normal qu’on ne puisse pas trouver dans la littérature scientifique un seul article qui dise à quoi cela sert… » [31]. Ce constat devrait plutôt inciter à une réflexion sur la conception étroite de la science prônée par l’institution qu’il préside. La méthodologie de l’HAS ne cache pas être calquée sur celle des « essais biologiques et médicamenteux » de la médecine factuelle. Elle repose sur l’hypothèse non interrogée selon laquelle les effets d’une psychothérapie ou d’une rééducation doivent être comparés à ceux d’un médicament, c’est négliger que le but de ce dernier consiste à effacer un symptôme douloureux et non à construire une personnalité. Non seulement la méthodologie de la HAS conduit à rendre inévaluable la « référence psychanalytique », mais, plus remarquable encore, elle conduit à constater qu’aucune méthode de prise en charge de l’autisme ne fait l’objet d’une étude suffisamment rigoureuse pour dégager une preuve scientifique. Qu’après tant d’années de recherches, tant de publications, tant de chercheurs et d’équipes mobilisées sur cette question, nul ne soit aujourd’hui capable de mettre au point en ce domaine une démonstration scientifique probante devrait inciter à s’interroger sur la méthode employée. Le Dr Garret-Gloanec, présidente de la Fédération française de psychiatrie, justifie ses réserves avec le rapport final de l’HAS en notant : on comprend bien que les approches comportementales « sont les seules évaluables avec les critères choisis » [32]. Pour la même raison, le Dr Constant se déclare en désaccord : « l’argumentaire scientifique, écrit-il, montre bien qu’en l’état actuel de nos ignorances, rien ne peut être affirmé scientifiquement. C’est une illustration détaillée de l’impossibilité de tirer des conclusions par la méthode exclusive des références Evidence Base Medicine dans un domaine où les définitions floues rendent caduques les comparaisons et suspectes les données chiffrées » [33].

Plus grave encore, sans attendre les résultats d’études scientifiques effectuées selon les protocoles adoptés par la HAS elle-même, celle-ci s’oppose formellement à l’utilisation du packing. Les pressions politiques exercées par ceux qui avaient intenté un procès pour le faire interdire s’avèrent prendre ici nettement le pas sur les études scientifiques. « On nous a fait comprendre, déclare le Dr P. Chemla, que, si nous voulions éviter l’interdiction de la psychanalyse appliquée à l’autisme, il fallait accepter « l’interdiction » du packing » [34].

Dans ces conditions, la Société Française de Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (SFPEADA) devient elle-même suspicieuse. Dans une lettre du 21 mars 2012, adressée au Président de la HAS, le Docteur Marie Michèle Bourrat, présidente de la SFPEADA, fait savoir : « Les propos de Président du collège de la Haute Autorité de Santé, rapportés par la presse (Le Monde du 8 mars 2012, l’Express du 9 mars 2012, Libération 9 mars 2012) entretiennent nos doutes sur l’impartialité qui a présidé à la rédaction du rapport final. Tous ces éléments jettent une suspicion sur le caractère uniquement scientifique des propos tenus, leur donnant une dimension plus politique que scientifique et donc sur laquelle, en tant que société savante, nous n’aurions pas à nous prononcer.

Comment un tel doute peut-il s’installer à partir du travail d’une institution comme la HAS, c’est l’interrogation de la SFPEADA. Sans prétendre vouloir l’expliquer, elle émet deux remarques sur ce qui a pu entraver le travail scientifique accompli :

- la dimension extensive du champ des troubles tels que définis au départ de ce rapport avec la complexité qui les sous-tend.

- la référence unique à l’EBM dans un domaine où le protocole de l’EBM stricto sensu ne peut pas s’appliquer sans une adaptation » [35].

Quelques jours plus tard, la Fédération Française de Psychiatrie fait état de ses réserves, fondées sur les mêmes critiques, d’une part, caractère flou et hétérogène de la notion d’autisme : en étendant le « spectre », la HAS fait disparaître l’hétérogénéité de la catégorie, d’autre part, biais méthodologiques dû à la survalorisation de l’Evidence Based Medicine, le tout conduisant à « une prise de position » et non à une analyse scientifique convaincante [36].

La Fédération d’Aide à la Santé Mentale Croix-Marine (FASM), mouvement national auquel adhèrent 300 associations et 130 établissements, partage les critiques précédentes et souligne une autre faiblesse méthodologique du rapport final. Dans un communiqué de presse, en date du 16 mars 2012, intitulé « La Has et l’autisme : une autorité de moins en moins haute », le Dr B. Durand, son président, souligne : « Concernant les interventions recommandées, la FASM s’étonne de voir mis sur le même plan, comme s’il s’agissait de comparer des stratégies alternatives de prise en charge, des modes d’intervention qui ne relèvent pas des mêmes logiques (méthodes éducatives, psychanalyse, psychothérapie institutionnelle, packing, chimiothérapies) qui ne peuvent être, si nécessaire, que coordonnées et complémentaires. Cet amalgame est d’autant plus surprenant qu’il vient d’un organisme qui revendique une démarche objective : la première condition d’une réflexion scientifique est de ne pas confondre des objets relevant de catégories différentes, ce qui ne semble pas avoir été le cas ». Il conclut que le rapport final de la HAS « se rapproche plus d’un manifeste visant à faire interdire la psychanalyse et la recherche clinique et à conforter les méthodes comportementales et plus particulièrement l’une d’entre elles, prenant ainsi le risque de rallumer des guerres dont les premières victimes seront les enfants, et les personnes autistes en général, ainsi que leurs familles… » [37]

Les études longitudinales de cas.

Les psychanalystes, et beaucoup de pédopsychiatres, considèrent que la méthode clinique est plus appropriée à l’évaluation de leurs pratiques que la méthode expérimentale utilisée dans les sciences dures. Ils s’appuient depuis toujours pour l’essentiel sur une autre méthodologie, celle des études de cas. Or celle-ci est rapidement rejetée par la HAS, comme ne permettant pas de généraliser les résultats. Certes, la HAS ne fait pas tout à fait l’impasse sur des « études de cas-témoins » mais elle ne leur accorde guère de poids : dans la meilleure hypothèse, quand elles sont retenues pour l’évaluation, elles ne valent que pour l’obtention d’un « faible niveau de preuve », autrement dit, elles restent négligeables. C’est pourquoi le Pr Schmit justifie son désaccord avec le rapport final de l’HAS en soulignant que « les études présentées dans la littérature ne comportent que très rarement, voire jamais, d’études longitudinales sur de nombreuses années, de la petite enfance à l’adolescence. Les bases scientifiques étayant certaines recommandations sont donc très fragiles. Les conclusions de notre travail auraient dû être, de ce fait, beaucoup plus ouvertes et ménager l’avenir » [38].

Pour les cliniciens la force probante des études de cas tient en particulier aux évolutions cliniques qu’elles relatent. Un de ceux à qui l’on doit de remarquables et nombreuses monographies cliniques d’enfants autistes et psychotiques, B. Bettelheim, le souligne mieux que quiconque : « Ceux qui ont aidé à l’éclosion d’une personnalité, à la libération d’une intelligence gelée, à l’apparition de relations humaines, de sentiments positifs, de joie de vivre alors qu’il n’y avait aucune personnalité, aucune apparence d’intelligence, rien qu’un isolement méfiant ou désespéré, une angoisse panique et une violence homicide, ceux-là sont plus convaincus de l’efficacité des méthodes thérapeutiques […] qu’ils ne le seraient par des études statistiques » [39].

La cure de Dibs effectuée par Virginia Axline constitue un document clinique exceptionnel puisque toutes les séances en ont été intégralement enregistrées. Elle établit qu’un autiste de haut niveau peut être tiré de son retrait en bénéficiant d’une cure non directive d’inspiration rogerienne. Les psychanalystes qui récusent l’appui sur le contre-transfert n’auraient rien à redire sur la conduite de cette cure exemplaire et à cet égard ne feraient pas mieux. Par l’évolution spectaculaire de l’insertion sociale du sujet, la force probante de ce document, et de beaucoup d’autres [40], vaut plus pour les cliniciens que des données statistiques sur l’évolution du quotient intellectuel et sur l’effacement de certains symptômes.

Il existe pourtant des tentatives de chiffrer les résultats d’une prise en charge institutionnelle à référence psychanalytique. Ils portent sur 40 cas traités pendant plus de dix ans. Les 42% de réussite sont comparables aux 47% de l’étude princeps de la méthode ABA (avec un échantillon plus faible de 19 enfants [41]). Mais ce qui est aujourd’hui retenu de ces résultats très probants est qu’ils soulèvent une multitude de problèmes méthodologiques, de sorte que la HAS ne les tient pas même pour un faible niveau de preuve. L’aurait-elle fait qu’elle se serait heurtée à la hargne de certaines associations de parents puisqu’il s’agit des résultats dont fait état Bettelheim en 1967 dans La forteresse vide. Or pour ces parents l’affaire est entendue : c’était « un charlatan » puisqu’il les culpabilisait en les rendant responsables de l’autisme de leurs enfants. D’ailleurs tous les psychanalystes seraient des charlatans partageant cette thèse. À la lecture de La forteresse vide, ils apprendraient que le psychanalyste très marginal que fut Bettelheim combattait vivement la thèse d’une autre psychanalyste, à l’époque plus reconnue que lui par ses pairs, Margaret Malher, selon laquelle le traitement de l’autisme passait par la restauration d’une symbiose entre la mère et l’enfant. La thèse de Bettelheim sur l’étiologie de l’autisme ne fut jamais celle de tous les psychanalystes. Une psychanalyste londonienne, Frances Tustin, qui eut, en France, une influence aussi décisive que celle de Bettelheim concernant le traitement psychanalytique des autistes, écrivait en 1986 concernant les mères d’autistes : « Kanner a lancé une mode bien regrettable en les voyant comme « froides et intellectuelles ». Depuis qu’il a dit cela, on s’est constamment renvoyé des expressions comme « mères réfrigérantes » pour parler d’elles. Je ne souscris pas à ce point de vue […] Je suis convaincue qu’il y a quelque chose dans la nature de l’enfant qui le prédispose à l’autisme » [42]. Aucune étude ne laisse supposer aujourd’hui que couper l’enfant autiste de ses parents contribue à son évolution.

Pour évaluer le traitement, Bettelheim n’eut recours ni aux chiffres du QI, ni aux scores sur des échelles de comportement ou de personnalité, il tînt pour plus révélateur des données concernant l’insertion sociale. Notons qu’une des faiblesses souvent soulignée des résultats obtenus par la méthode ABA réside dans le fait que les comportements installés chez l’enfant sont acquis sans qu’ait été intégré le pourquoi, la fonctionnalité, le sens de ceux-ci, de sorte que l’insertion sociale de l’autiste traité par les techniques comportementales reste rare. Or Bettelheim qualifie de « bonne » l’évolution sociale de 17 enfants sur 40. « Neuf parmi les dix-sept travaillent », précise-t-il, tandis que « huit sont encore au lycée ou à l’université ». L’insertion de certains pensionnaires de l’Ecole Orthogénique dans le milieu scolaire ou universitaire n’a pas été contestée, des témoignages sont venus le confirmer, certains émanant des enfants eux-mêmes à l’âge adulte.

De tels résultats, associés à de remarquables études de cas, sont en général considérés comme probants pour les cliniciens, mais ils souffrent de tels biais méthodologiques qu’ils s’avèrent sans intérêt pour une approche scientifique nomothétique [43]. On a d’abord contesté les diagnostics de Bettelheim, de manière assez vaine : l’extension considérable du spectre de l’autisme depuis quelques décennies permet sans difficulté de ranger les cas les plus contestés dans ce champ. Plus sérieux est l’argument de l’allégeance du chercheur à la méthode évaluée. Il est probable que ce facteur - pas suffisamment tempéré - a tiré les résultats de Bettelheim vers le haut. Beaucoup d’études consacrées à d’autres techniques souffrent de ce même biais. Ce qui apparait le plus grave pour la méthodologie de la HAS est l’absence de groupe de contrôle et de répartition randomisée des enfants entre celui-ci et le groupe témoin. Au nom de la science, Bettelheim aurait dû affecter de manière aléatoire un enfant sur deux dans un groupe qui aurait été traité pendant cinq à dix ans par une méthode autre que celle à laquelle lui-même et le personnel de son institution consacraient toute leur énergie. De son point de vue c’eût été faire le choix de sacrifier un enfant sur deux. Pour les psychanalystes eux-mêmes, ce ne sont pas les chiffres produits par Bettelheim qui ont retenu leur attention, et emporté leur conviction quant à l’intérêt de la prise en charge institutionnelle à référence psychanalytique ; ce sont avant tout ses études de cas qui l’ont consacré comme un clinicien majeur. Aujourd’hui encore la lecture de La forteresse vide est plus riche d’enseignements concernant la spécificité du fonctionnement des sujets autistes que celle du dépouillement des 464 pages de l’argumentaire scientifique qui accompagne les recommandations de la HAS. Il est frappant de constater que des données cliniques essentielles pour appréhender l’autisme - l’immuabilité, l’objet autistique, la rétention de la voix, la fuite du regard, etc. - sont totalement absentes de l’approche déshumanisée développée dans les travaux de la HAS.

Paradoxes des considérations éthiques

La littérature scientifique internationale, à prédominance anglo-saxonne, privilégie la méthode de la médecine factuelle qui se borne à l’étude du chiffrable et du directement observable pour évaluer les prises en charge de l’autisme. Elle le fait au détriment de la considération de modifications subjectives plus subtiles à saisir mais dont les conséquences sont plus décisives pour la socialisation. La méthode de la HAS passe sous silence que ce qui est validé, comme le souligne le professeur Jacques Hochmann, « c’est seulement la disparition d’un certain nombre de comportements gênants et la « construction » d’autres comportements souhaités ». En revanche reste ignoré « tout ce qui n’est pas facilement mesurable : l’histoire du patient, sa personnalité, ses modalités de raisonnement, ses affects, son fonctionnement psychique global, le sens que les interactions avec autrui ont pour lui, en fonction de ses intentions, et finalement sa qualité de vie » [44] La méthode donne un avantage à l’évaluation d’un effet simple sur un comportement déterminé, tandis qu’elle peine à saisir la complexité des modifications subjectives. L’approche de la médecine factuelle convient parfaitement à la saisie des effets obtenus par les techniques comportementales, tandis qu’elle est inappropriée à celle des approches psychodynamiques ; c’est pourquoi les premières bénéficient d’une multitude d’études, tandis que sont rares celles qui concernent les secondes. On sait que cette disproportion suffit en elle-même à constituer un biais méthodologique qui tire vers le haut les résultats de la méthode qui bénéficie des données les plus nombreuses. Le phénomène est conforté par le fait que les études non conformes à l’allégeance théorique des chercheurs sont rarement publiées. Les meilleurs résultats d’efficacité sont donc obtenus sans surprise en usant de la méthode d’évaluation la plus appropriée à les constater et à les chiffrer. Dès lors, c’est en suivant les modes scientifiques de notre temps que la HAS met prudemment en avant la méthode ABA en raison d’une « présomption scientifique » d’efficacité [45] - appréciation nettement minorée par l’Association américaine de pédiatrie, et radicalement contestée par les autistes de haut niveau. Mais c’est la surévaluation de l’ABA prônée par Autisme France qui l’emporte dans le 3ème plan autisme.

Toutefois, en amont des indications techniques, la HAS insiste sur la dimension éthique qui doit être inhérente de la prise en charge. La première de ses recommandations consiste « à respecter la singularité de l’enfant /adolescent et de sa famille » [46]. Elle est fortement martelée : la recherche de l’adhésion de l’enfant est essentielle, il convient de le faire participer aux décisions, il faut prendre en compte ses goûts et ses intérêts. « Il doit être reconnu dans sa dignité, avec son histoire, sa personnalité, ses rythmes, ses désirs propres et ses goûts, ses capacités et ses limites » [47]. Toutes ces indications sont excellentes et les psychanalystes ne peuvent qu’y souscrire. Ils s’efforcent même, depuis toujours, de les appliquer.

En revanche, le respect scrupuleux de tels principes éthiques rendrait la méthode ABA impraticable : elle ne cherche pas le consentement de l’enfant, ne s’intéresse pas à sa cognition, méconnaît l’objet autistique, ne tente pas de décrypter ses comportements, ne tient pas compte de ses angoisses, néglige de prendre appui sur ses centres d’intérêt, etc. Le fondateur de la méthode lui-même n’hésitait pas à soutenir que les autistes n’existaient pas : il ne travaillait, selon lui, qu’avec des enfants anormaux dont il s’employait à normer les comportements. La violence faite à l’autre est au principe de l’ABA. Une violence atténuée certes puisque c’est en renonçant aux chocs électriques pour traiter les autistes que Lovaas inventa la méthode ABA. Il avait pourtant constaté que l’électricité était efficace, de sorte qu’il ne renonça pas d’emblée aux punitions ou conditionnements aversifs. Cependant, peu à peu, non sans regret, il y fut contraint par la pression sociale.

Les critiques semblent avoir été entendues, ce que l’on nomme maintenant « l’ABA contemporain » est une méthode plus tempérée, qui s’interdit le recours aux conditionnements aversifs. La HAS tient à nous rassurer : la technique est « aujourd’hui plus flexible, plus fonctionnelle, plus à l’écoute […] que le mode originel ». Il est même recommandé d’être attentifs aux signaux donnés par l’enfant, d’y être réceptif et réactif. On préconise « de partir dans la mesure du possible des activités, désirs et intentions de l’enfant lui-même, plutôt que de systématiquement imposer l’apprentissage d’un comportement décidé a priori sans observation préalable de la personnalité de l’enfant ou sans chercher à saisir les occasions de coopération ou de coordination avec lui » [48].

L’ABA contemporain ne serait donc plus incompatible avec les recommandations éthiques de la HAS. Il existe quelques raisons d’en douter. Il s’agit d’une technique comportementale pour laquelle l’efficacité thérapeutique rapide sur le symptôme constitue la valeur suprême. Tout ce qui entrave l’obtention de ce but tend à être appréhendé de manière négative. Dans cette logique, les valeurs éthiques deviennent vite un obstacle. L’électricité est efficace pour modifier le comportement, affirme en 2012 - dans un entretien rapporté par Sophie Dufau dans Médiapart -, Mme Vinca Rivière, qui fait en France la promotion de la méthode ABA, dès lors, demande-t-elle, pourquoi ne pas l’utiliser ? Fondatrice du Centre expérimental Camus de Villeneuve-d’Ascq, dédié à la prise en charge des enfants autistes via la méthode ABA - fortement soutenu par l’ancien ministre de la santé, Xavier Bertrand -, Mme Rivière, maîtresse de conférences à l’Université de Lille 3, n’a manifestement pas été informée de l’ABA contemporain. Elle balaie d’un revers de main les principes éthiques qui viendraient entraver sa fureur thérapeutique. « En analyse du comportement, déclare-t-elle à la journaliste de Mediapart, il y a des procédures de punition par choc électrique. Tout le monde trouve ça scandaleux, mais c’est accepté par le gouvernement hollandais sous certaines procédures pour des troubles sévères et en dernier recours. Ce qu’on appelle « choc électrique », on le présente en formation en faisant sucer une pile de 9 volts : ça picote la langue. Mais ça suffit à changer un comportement, je l’ai vu en Hollande, et l’efficacité en est démontrée depuis les années 50. […]. Cette punition-là, elle est efficace si le comportement diminue rapidement, sinon, ce n’est pas une bonne punition. Donc si ça ne diminue pas, on arrête, on va pas mettre du 80 volts ! [49]. Mme Vinca Rivière, comme Mme Carlotti, fait passer l’efficacité avant tout. Pourtant la seule acceptation du recours au courant électrique, fût-ce à faible voltage, porte en elle-même de lourds dangers. Tout intervenant constatera aisément qu’une légère augmentation de l’intensité du courant améliorera l’efficacité, et qu’une augmentation un peu supérieure du voltage fera encore mieux, d’où une tentation qui ne peut manquer de temps à autre de franchir les bornes du supportable. Il existe d’ailleurs un précédent. Lors de la première guerre mondiale, l’intensité du courant électrique utilisé pour soigner des névrosés de guerre fut parfois portée à des niveaux si insupportables que certains soldats se suicidèrent pour échapper au traitement. Un procès fut intenté aux médecins autrichiens qui les avaient prescrits lors duquel Freud dénonça courageusement ces pratiques [50]. De plus, l’électricité est la thérapie aversive par excellence : accepter de l’utiliser risque de focaliser l’attention des soignants sur celles-ci au détriment par exemple de méthodes ludiques. Mme Rivière méconnaît que si l’amélioration des comportements prime toute autre considération, alors le recours aux punitions devient justifié. Nul ne doute que l’augmentation de leur sévérité permet d’améliorer les résultats statistiques. L’approche comportementale préconise une emprise sur l’autre qui ne dispose d’aucun principe interne d’autorégulation.

Au sein de la méthode ABA une barrière à la violence fait défaut dans la course à l’efficacité. En témoigne la plainte de Ferdinand Ramos qui avait confié Alicia, sa fille autiste, aux bons soins du Centre pilote de Mme Rivière. « La mère de mes filles, écrit-il, de passage dans le Nord pendant les vacances d’avril est repartie en pleurant lorsqu’elle a vu la psychologue assise sur Alicia pendant 45 mn dans les toilettes pour ne plus qu’elle bouge ». De surcroît, pour que l’enfant ne jette plus d’objet, rapporte S. Dufau, une procédure dite « de blocage » était employée, consistant à lui serrer les bras le long du corps. « Tous les soirs, témoigne le père, je récupérai ma fille avec de nombreux bleus sur les bras et les poignets ». Pourtant, selon la HAS, l’ABA contemporain n’impose pas systématiquement « l’apprentissage d’un comportement décidé a priori sans observation préalable de la personnalité de l’enfant ».

De temps à autre Alicia était maintenue dans le noir absolu, consignée dans une pièce murée par un matelas, afin d’améliorer son comportement, peut-être troublé par des stimulations lumineuses, sans considération des angoisses qu’un tel isolement pouvait générer chez une enfant. L’enquête menée en 2011 sur le fonctionnement du Centre Camus par l’Agence Régionale de Santé du Nord-Pas-de-Calais, suite à la plainte de F. Ramos, conclut qu’il présente des « dysfonctionnements » constituant « des facteurs de risques de maltraitance susceptibles d’avoir des répercussions sur les enfants accueillis ». Ceux qui ont recueilli les témoignages d’étudiants en psychologie faisant des stages dans des institutions se réclamant de la méthode ABA rapportent que, faute de personnel, les enfants les plus turbulents y sont parfois attachés. Il est de règle que les rapports d’activité omettent de le mentionner et que les parents n’en soient pas informés.

Certes, on ne saurait faire grief de ces dérives à la méthode elle-même, dont l’application correcte exige un encadrement d’un thérapeute pour un enfant. Bien que la plupart des institutions pour autistes créées récemment l’aient été sous l’égide de l’approche comportementale, aucune d’entre elles ne possède les moyens financiers d’un tel encadrement. Le 3ème plan autisme n’envisage d’ailleurs pas d’augmenter ces moyens. Seul le Centre pilote de Mme Rivière semble parvenir à un encadrement conforme grâce au bénévolat des étudiants qui s’y forment. Or elle forge une version française de la méthode ABA, tant dans son institution qu’à l’université. Une version qui diverge de l’ABA contemporain enseigné à l’Université de Californie de Los Angeles. On aurait cependant tort de supposer que la version française résulte d’une dérive individuelle. Quand l’enfant autiste résiste fortement à la méthode, et plus de la moitié d’entre eux le font, les gommages éthiques de l’ABA contemporain sont vite débordés par la logique d’une pratique commandée par l’efficacité rapide. Quand les recommandations éthiques entrent en conflit avec l’efficacité comportementale, c’est l’éthique qui cède. La plupart de ceux qui pratiquent la méthode ABA n’ont pas été formés à l’Université de Californie, de sorte qu’ils ne retiennent de celle-ci que son principe le plus sommaire : l’enfant autiste doit obéir, coûte que coûte.

La méthode s’attaque de manière frontale aux protections élaborées par le sujet contre ses angoisses. Il en résulte assez fréquemment des effets iatrogènes qui expliquent pourquoi plus de la moitié des enfants ne sont pas améliorés, mais aussi pourquoi certains d’entre eux se portent plus mal. Après vingt mois au Centre Camus, Fernando Ramos constata une « régression » de sa fille cadette : « Elle ne voulait plus aller au centre, rapporte-t-il, elle a eu une poussée gigantesque d’eczéma ; elle était redevenue incontinente et se faisait dessus jusqu’à dix fois par jour ». Elle, que des vidéos montrent à l’arrivée dans ce centre calme et gentille, était devenue agressive : « Elle jetait les objets pendant les séances, elle commençait aussi à taper les intervenants ». La HAS ne fait état d’aucune nocivité de la méthode ABA. Pourtant il a été maintes fois observé que les traitements qui se focalisent sur un symptôme, en négligeant la dynamique du sujet, produisent une substitution de symptômes. L’un disparaît, tandis qu’un autre se manifeste. Ici la cure est concomitante du surgissement d’un « gigantesque eczéma ». Il y a de fortes raisons de supposer que le traitement n’est pas étranger à l’apparition de ce symptôme. Pour l’approche ABA, cette hypothèse est irrecevable : le symptôme y est conçu comme un phénomène isolé, ancré dans des dysfonctionnements biologiques, coupé de tout sens, de sorte que son émergence ne peut que relever du hasard. À qui fait constater qu’il n’est pas rare que de nouveaux troubles émergent pendant les traitements comportementaux, un mot magique permet d’éviter toute corrélation : « comorbidité ». Le nouveau symptôme serait lié à une pathologie associée. Grâce à la comorbidité, le phénomène nouveau est supposé venir d’ailleurs et décharge les soignants de toute responsabilité. C’est par cet artifice que la HAS ne songe pas même à chiffrer les effets nocifs de la méthode ABA. Dans ses réserves sur le rapport final, le Dr Assouline observe l’impasse faite sur le risque de maltraitance concernant les pratiques comportementales [51]. Notons encore que ceux qui soutiennent les violences inhérentes à l’exercice de la méthode ABA, nécessaires selon eux, au moins dans les premiers temps, sont les mêmes qui dénoncent « la psychanalyse » comme une pratique maltraitante et le packing comme une abomination !

La HAS recommande la méthode ABA et incite conjointement à faire tout le contraire : d’une part, elle invite à respecter la singularité de l’autiste et considère que la recherche de son adhésion est essentielle, d’autre part, elle cautionne des pratiques contraignantes poursuivies pendant des heures malgré les colères de l’enfant. La HAS confirme ici une nouvelle fois que le discours de la science est sans éthique. Appliqué à l’humain, il doit toujours être modéré par des considérations qui lui sont externes. En l’occurrence, non tempéré, il conduit à recommander la technique la plus violente, celle qui nie l’existence même de l’autisme, celle que ses promoteurs estiment aussi appropriée aux délinquants qu’aux autistes, celle qui fonctionne mieux selon eux en intégrant les punitions, celle qui est la plus combattue par les autistes de haut niveau (Dawson, Williams, Deshays), celle qui produit des enfants sages et normés à jamais dépendants, celle qui ne respecte pas la Déclaration des droits des personnes autistes [52] demandant de ne pas les exposer « à l’angoisse, aux menaces et aux traitements abusifs ».

Le 3ème plan autisme tire un trait sur l’approche psychanalytique en faisant silence sur celle-ci. Elle serait inappropriée à la prise en charge des autistes, entend-on parfois, puisqu’il existerait « un consensus de plus en plus large sur la nature neurodéveloppementale des Troubles envahissants du développement » [53], Mais qu’est-ce qu’un trouble neurodéveloppemental ? Une notion vague. Il faut entendre par « neuro » une suspicion d’origine génétique totale ou partielle, et par « développemental » une apparition dès la petite enfance, entrainant des atteintes cognitives. Le trouble neuro-dévelopemental ne possède aucune valeur discriminante : son étiologie n’est pas connue, son champ clinique n’est pas déterminé. Définir les limites de l’autisme reste aujourd’hui très difficile, le cadre des troubles envahissants du développement dont il constitue une catégorie parmi 7 autres est encore plus incertain, quant au trouble neuro-développemenntal, il englobe tous les précédents et s’étend jusqu’au syndrome de Turner ou celui de William, etc., ses limites s’approchent de l’infini : la quasi-totalité des troubles psychiatriques de l’enfant peuvent tomber sous cette appellation. Elle ne désigne pas un concept scientifique rigoureusement défini : ce n’est que l’expression d’un choix idéologique cherchant à mettre un accent prépondérant sur les facteurs génétiques dans l’étiologie des troubles de l’enfance – même quand leur incidence exacte reste très incertaine en l’état actuel des connaissances. Le 3ème plan autisme s’inscrit clairement dans ce courant de pensée quand il s’affirme en attente de « marqueurs biologiques », bien qu’il soit peu probable que la clinique de l’autisme, qui s’étend de la déficience profonde aux capacités intellectuelles les plus hautes, puisse être unifiée par un tel marqueur. Les énormes moyens financiers et humains mis en œuvre depuis plusieurs décennies pour le dégager s’avèrent buter sur des problèmes de plus en plus difficiles.

Même les études génétiques se confrontent aujourd’hui à l’irréductible différence de chacun. Après un examen des données actuelles, Ansermet et Giacobino, constatent : « la détermination génétique » de l’autisme « demeure hétérogène, polygénique, sans gène clé […] Chaque autiste serait donc génétiquement déterminé, mais de façon spécifique et différente plutôt qu’universelle […] Les recherches contemporaines en génétique conduisent à faire déconsister l’unité du syndrome autistique, qui se disperse en une nuée de sous-syndromes, chaque fois différents, chaque fois uniques, sans que l’on comprenne les liens qui pourraient les unir » [54]. Nul ne conteste que la détermination génétique partielle de l’autisme laisse subsister une plasticité du sujet lui donnant accès à des modes de stabilisation plus ou moins complexes. Or les devenirs les plus positifs d’autistes ont été obtenus par le recours à des méthodes ou à des inventions d’une grande diversité.

La science de l’autisme n’est pas achevée.

Il existe d’autres hypothèses pour appréhender l’autisme que de réduire sa complexité à une maladie, par exemple celle d’une spécificité cognitive (Mottron, Dawson) ou celle d’une spécificité subjective (Lefort, Maleval) ; le débat est loin d’être clos, la science de l’autisme n’est pas achevée. Mais le 3ème plan ne s’embarrasse pas de telles considérations épistémologiques. Il ne connaît que des méthodes « qui marchent », passant sous silence que selon la HAS elle-même elles ne sont pas très probantes et connaissent beaucoup d’échecs.

Les grandes méthodes de traitement de l’autisme reposent sur des conceptions de l’humain foncièrement différentes, ce qui les induit d’emblée à s’affronter. Pourtant elles ont toutes recueilli une expérience de la pratique avec des autistes et toutes peuvent faire état de résultats thérapeutiques. Il paraît donc intéressant de s’interroger sur l’éventuelle existence de certains points d’accord au-delà de leurs divergences manifestes. En fait il en existe plusieurs. Tout d’abord toutes ont contribué à détruire la notion d’incurabilité de l’autisme : elles insistent sur le fait qu’il ne s’agit pas d’un handicap irrémédiable et que la socialisation de ces sujets est possible – au moins pour certains d’entre eux. Aucune n’objecterait aujourd’hui sur le bénéfice de scolariser l’enfant autiste dès qu’il est capable de s’adapter à l’enseignement ordinaire – à la condition qu’il ne soit pas rejeté par les autres élèves. La nécessité d’individualiser la prise en charge est toujours mise en avant – même par les méthodes qui s’y prêtent mal. Enfin il peut être utile d’informer certains que l’ignorance de la cause de l’autisme fait consensus : ni les apprentissages inadaptés, ni les dysfonctionnement du traitement de l’information, ni le désir inconscient des parents, ni la génétique ne sont en état d’expliquer sa genèse. De surcroît un certain rapprochement semble timidement se dessiner entre des approches antagonistes. Le récent rapport de l’HAS note que selon des publications récentes faisant référence aux techniques comportementales ABA, il est maintenant recommandé par ses partisans eux-mêmes d’être attentif aux désirs et intentions de l’enfant. D’autre part, les réticences des institutions orientées par la psychanalyse à utiliser des méthodes d’enseignement adaptées à la cognition des autistes sont elles aussi en train de se modifier : elles ont de plus en plus souvent recours à l’utilisation des pictogrammes, à la structuration de l’environnement, et à une planification individualisée des activités.

Parmi les trois méthodes prudemment recommandés par la HAS, concernant les enfants et les adolescents, l’une, l’ABA se heurte à des objections éthiques majeures, l’autre, le programme de Denver, ne concerne que les très jeunes enfants (de 2 à 6 ans), et est peu pratiquée en France. La troisième méthode, TEACCH, bénéficie d’une recommandation plus mesurée (grade C : « faible niveau de preuve »), cependant elle ne soulève pas les mêmes objections éthiques que l’ABA. De surcroît, elle ne considère pas le psychisme comme « une boîte noire », présupposé épistémologique de la méthode comportementale ABA, la situant au degré zéro de la psychologie de l’autisme. TEACCH est une approche cognitivo-comportementale qui s’appuie sur une authentique connaissance de certains aspects du fonctionnement cognitif de l’autiste. Les classes TEACCH sont beaucoup moins agressantes pour les enfants que l’ABA , elles sont construites en fonction de leur cognition, et ne se heurtent pas à la réprobation des autistes de haut niveau.

Un progressif rapprochement s’opère empiriquement aujourd’hui entre les approches psychodynamiques et la méthode TEACCH. Des techniques issues de cette dernière, telles qu’une structuration du temps et de l’espace des enfants autistes, ainsi que l’utilisation de pictogrammes, se sont largement répandues, même dans des institutions référées à l’approche psychanalytique. Le moment semble maintenant venu d’innover en tentant d’additionner les effets de deux méthodes dont l’appropriation à la prise en charge des autistes est soutenue, l’une par des données issues de l’Evidence Based Medicine, l’autre par des études longitudinale de cas. Un Ministre de la Santé s’honorerait en promouvant une politique de l’autisme, non pas rétrécie à des stratégies éducatives, mais osant innover en mettant en place des expériences pilotes, cherchant à dépasser les clivages idéologiques actuels. Des institutions orientées par l’approche psychanalytique, privilégiant les inventions des sujets, ne pourraient-elles pas intégrer des classes TEACCH dans leur fonctionnement ? Des psychanalystes ayant une pratique institutionnelle ancienne avec des autistes, participant à la direction d’établissements reconnus pour le sérieux et la qualité de leurs pratiques (De Halleux B [55]., Rabanel J-R. [56] ; Rouillon J-P [57], Seynhave B. [58] ; Stevens A [59].), considèrent que les obstacles épistémologiques permettant de combiner ces méthodes ne sont sans doute pas indépassables. Certaines adaptations seraient à mettre au point. Ce serait la tâche de nouvelles institutions expérimentales que de les produire. Marisol Touraine s’avérait plus imaginative et plus à l’écoute du terrain que Mme Carlotti en prenant l’initiative de les créer.
Dans un article intitulé « Prétention scientifique et chasse aux sorcières dans le monde de l’autisme » [60], un père d’enfant autiste fait récemment état de méthodes d’intimidation utilisée par quelques groupuscules pour empêcher la libre expression (lettres de dénonciation, commandos, menaces, etc.), ceux-ci parviennent à faire interdire des réunions publiques, tandis que, par crainte de se faire agresser, certains intervenants renoncent à parler. Les mêmes militants répandent leurs certitudes anti-psychanalytiques dans les médias en évitant soigneusement tout débat contradictoire. Ils « dénoncent les actes » de collègues psychanalystes essayant de se faire entendre. D’autres persistent à diffuser un film de propagande caricaturant la psychanalyse, condamné par la justice, tandis que d’autres encore établissent sur internet une « liste noire » des formations sur l’autisme qui ne respecteraient pas les recommandations de la HAS. Autisme France proteste contre la tenue de colloques portant sur les approches psychanalytiques de l’autisme en prétendant que selon la HAS « la non-pertinence de la psychanalyse a depuis longtemps été établie au regard des preuves scientifiques disponibles » ! [61] On constate que ses militants n’hésitent pas à fausser les prudentes recommandations de la HAS et à les convertir en interdits de penser. Que se passerait-il si Mme Carlotti et ses amis avaient le pouvoir d’interdire les recherches universitaires sur les approches psychanalytiques de l’autisme ? Les uns et les autres ont-ils oublié qu’au XXème siècle ce fut au nom de la science, dont ils se revendiquent, que certaines idéologies conduisirent au pire ? De surcroît est-ce un hasard si Mme Vinca Rivière a choisi Maître Gilbert Collard, député proche du Front National, pour défendre la méthode ABA durcie par ses soins ? En s’inscrivant dans ce courant de négation de la psychanalyse, c’est à la liberté de pensée que s’attaque le 3ème plan autisme. La HAS regrette l’absence de données sur la psychanalyse appliquée aux autistes ; Mme Carlotti fait un pas de plus : elle ne veut pas les connaître. Elle cherche à mettre en place l’impossibilité même d’en recueillir de nouvelles.

Loin d’être une référence scientifique, le rapport de l’HAS a suscité un large rejet, « aussi bien, comme le souligne E. Laurent, de la part des organisations professionnelles regroupant toutes les tendances de la psychiatrie française, celles qui sont chargées d’en élaborer la représentation, que de la part des experts les plus familiers avec la réalité des prises en charge des sujets autistes, et donc plus avertis des effets de réel et des impossibilités que cela implique » [62]. De surcroît, l’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (UNAPEI), par un communiqué de presse en date du 20 Janvier 2012, déclarait s’opposer à la proposition de loi visant à interdire l’accompagnement psychanalytique des personnes autistes, celles-ci et leurs familles, y est-il affirmé, « ont besoin de compétences multiples pour répondre à leur problématique » [63]. La nécessité d’une « approche pluridisciplinaire » y était soulignée.

Les méthodes éducatives « efficaces », se heurtent à un taux d’échec élevé, supérieur à 50% pour l’étude la plus probante en faveur de la méthode ABA ; dès lors comment pourra-t-on contraindre les professionnels à leur pratique exclusive – même au nom de la science ? Les menaces financières visant les établissements brandies par le 3ème plan autisme n’y suffiront pas. Sa base scientifique friable ne saurait justifier un recours exclusif aux méthodes éducatives, de surcroît les recommandations éthiques de la HAS s’avèrent souvent en contradictions avec les recommandations techniques, comment espérer dès lors qu’il puisse s’imposer à tous ? La science de l’autisme du 3ème plan est sélective : elle ne dépasse pas ce qui est toléré par Autisme France. Il fait le choix d’exacerber une situation conflictuelle en prenant un parti aveugle en faveur de méthodes éducatives, sans même prendre en compte les recommandations divergentes concernant les autistes adultes, qui prônent au contraire des approches singulières. Un tel choix fait du tort aux autistes : certains d’entre eux réagissent favorablement aux méthodes éducatives, d’autres se saisissent plus volontiers des approches psychodynamiques, ce ne sont souvent pas les mêmes. Au lieu d’additionner les méthodes qui marchent partiellement, le 3ème plan autisme fait le choix d’une soustraction qui laissera beaucoup d’autistes désemparés. Ainsi il ne contribuera guère à la cause qu’il prétend servir. Il rencontrera sur le terrain les mêmes résistances que les plans précédents de la part des professionnels et des administratifs informés de l’état actuel des connaissances. Plutôt que de tenter d’œuvrer au rapprochement d’approches différentes, le choix partisan du 3ème plan autisme dans le contexte actuel est une maladresse politique.
Il existe un large consensus sur le fait que la persistance d’un libre accès au choix des traitements est la seule attitude compatible avec l’incertitude des connaissances scientifiques actuelles sur l’autisme.

Chacun s’accorde par ailleurs pour considérer que la de prise en charge des autistes est actuellement insatisfaisante en France. Quelques conséquences en découlent :
- de nouveaux lieux devraient être créés pour permettre leur accueil, leur traitement, et le soulagement des familles.
- il conviendrait d’arrêter la politique orientée par la construction exclusive d’institutions référées à la méthode ABA, la plus agressante des méthodes d’apprentissage.
- La répartition des crédits devrait viser à rééquilibrer la diversité des modes de prise en charge.
- Chaque méthode devrait pouvoir faire état de ses résultats en s’appuyant sur une méthodologie appropriée à la spécificité de la pratique utilisée.
- Il apparaît urgent de rétablir le débat démocratique actuellement mis à mal sur la question complexe du traitement de l’autisme. Le retrait du 3ème plan autisme en constitue un préalable incontournable.
- des institutions expérimentales cherchant à mettre conjointement en œuvre des pratiques scolaires fondées sur la méthode TEACCH et des pratiques institutionnelles référées à la psychanalyse devraient initiées.
En ce qui concerne le mariage gay le gouvernement de la France a su faire primer des considérations éthiques et humanistes sur des données scientifiques assez incertaines, posant là encore des problèmes épistémologiques complexes ; quant à la prise en charge des autistes il adopte une position contraire : il prétend soumettre l’éthique et l’humain à une science abusivement présentée comme achevée. Il ne serait pas digne d’un Ministre de la Santé cultivé, s’affirmant ouvert au dialogue, pas digne de la fille d’Alain Touraine, de cautionner la fureur normative de Mme Carlotti en prenant des décisions lourdes de conséquences fondées sur des bases aussi peu assurées.

Rennes, le 26 mai 2013

Pr J-C Maleval.
Université Rennes 2.

Notes

[1Ibid., p. 23.

[2Berger J. Sortir de l’autisme. Buchet-Chastel. Paris. 2007.

[3Allione M. et C. Autisme, donner la parole aux parents. Les liens qui libèrent. 2013.

[4Vollin L. Lettre ouverte de Laurence Vollin, mère d’une jeune fille autiste, à Madame Marie-Arlette Carlotti. Lacan quotidien n° 324. 24 Mai 2013.

[5Battut M. Lettre ouverte à Marie Arlette Carlotti, au sujet de la présentation du 3ème plan autisme. 17 Mai 2013. http://lamainaloreille.wordpress.com

[6Association « La main à l’oreille ». http://lamainaloreille.wordpress.com

[7Dawson M. The Misbehavior of Behaviourists. posté le 18 janvier 2004 sur son blog The autism crisis/No autistic allowed, cité et traduit par Laurent E. La bataille de l’autisme. Navarin/ Le champ freudien. 2012, p. 159.

[8Laurent E. La bataille de l’autisme, o.c., p. 159.

[9Haute autorité de santé. (HAS) Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (Anesm) ; Autisme et autres troubles envahissants du développement ; interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées chez l’enfant et l’adolescent. Commentaires relatifs au rapport final. Mars 2012, p. 14.

[10Di Ciaccia A. La pratique à plusieurs. La Cause Freudienne, 2005, 61, pp. 107-118.

[11Maleval J-C. L’autiste et sa voix. Seuil. Paris. 2009.

[12Baio V. La fonction des éducateurs à l’Antenne, in « Quelque chose à dire » à l’enfant autiste. Editions Michèle. Paris. 2010, p. 114.

[13HAS.Recommandations de bonnes pratiques. Mars 2014, p. 27.

[14Le programme de Denver a été initialement conçu en 1981 à l’Université du Colorado. Il associe des éléments éducatifs et comportementaux et s’adresse à des enfants de 2 à 6 ans. Il part du principe que le jeu est le premier support pour l’apprentissage des compétences sociales, émotionnelles, communicatives et cognitives pendant la petite enfance. Susciter des interactions chaleureuses, affectueuses et ludiques est au cœur de la prise en charge. Le rôle de l’adulte et le but des jeux varient en fonction des objectifs d’apprentissage. Comme le programme TEACCH, les objectifs du modèle de Denver sont de développer les capacités de l’enfant autiste en proposant un programme institutionnalisé et individualisé. Le traitement utilise des feed-back à la fois des intervenants (équipe pluridisciplinaire) et des parents. Il se centre sur le développement de la cognition et, en particulier, de la fonction symbolique et de la communication à travers l’apprentissage de gestes, signes et mots. [Baghdadli A. Noyer M. Aussilloux C. Interventions éducatives, pédagogiques et thérapeutiques proposées dans l’autisme. Ministère de la Santé. Juin 2007, p. 38] Il faut souligner que cette méthode n’est pas critiquée par les autistes de haut niveau ; en cela elle se distingue de la méthode ABA.

[15Haute autorité de Santé. (HAS) Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (Anesm). Autisme et autres troubles envahissants du développement : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées chez l’enfant et l’adolescent. Recommandations. Mars 2012 , p. 25.

[16Autisme des adultes : plus une sensibilisation qu’un guide. Prescrire. Janvier 2013, 33, 351, p. 71.

[17Haute autorité de santé. Autisme et autres troubles envahissants du développement : diagnostic et évaluation chez l’adulte. Recommandations. Juillet 2011, p. 9.

[18Introduite dans les années 1980, l’Evidence Based Medicine (ou médecine factuelle) se définit comme l’utilisation consciencieuse et judicieuse des meilleures données (preuves) actuelles de la recherche clinique. Ces preuves proviennent d’études cliniques systématiques, telles que des essais contrôlés randomisés ou des méta-analuses,

[19Leuzinger-Bohleber M., Stuhr U., Rüger B., Beutel M. How to study the quality of psychoanalytic treatments and their long-term effects on patients well-being : a representative, multi-perspective follow-up study. International Journal of Psychoanalysis, 2003, 84, pp. 263-290.
Leichsenring F. Rabung S. Long-term efficacy of psychodynamic psychotherapy. Journal of American Medical Association. 2008, 300 (13), pp. 1551-1565.

[20Létard V. Evaluation de l’impact du plan Autisme 2008-2010. Décembre 2011, p. 22.

[21Cf « Le rapport biaisé de l’INSERM », in Maleval J-C Les étonnantes mystifications de la psychothérapie autoritaire. Navarin. Paris. 2012, pp. 144-158.

[22Di Ciaccia A. La pratique à plusieurs. La Cause freudienne. 2005, n°61, p. 110.

[23Di Ciaccia A. Entretien avec. Sigma. 2012, 5, p. 149.

[24Di Ciaccia A. La pratique à plusieurs, o.c., p. 110.

[25« L’approche est fondée sur le jeu avec le schéma général de la théorie du développement cognitif de Piaget et la théorie psychanalytique de Malher en toiles de fond ». Haute autorité de Santé. (HAS) Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (Anesm). Autisme et autres troubles envahissants du développement : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées chez l’enfant et l’adolescent. Argumentaire scientifique. mars 2012, p. 420.

[26HAS. Anesm., Argumentaire scientifique, op.cit., p. 79.

[27HAS. Anesm. Recommandations, op.cit., p. 27.

[28HAS. Anesm. Argumentaire scientifique, op.cit., p. 183.

[29Haute autorité de santé. (HAS) Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (Anesm) ; Autisme et autres troubles envahissants du développement ; interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées chez l’enfant et l’adolescent. Commentaires relatifs au rapport final. Mars 2012, p. 20

[30Mottron L. Autisme : une mise en garde contre la méthode ABA. Le Monde. 16 Mars 2012. (disponible sur internet).

[31Lorriaux A. Autisme : la psychanalyse mise à l’index par un rapport de la Haute autorité de santé. Le Huffington Post, 7 mars 2012.

[32HAS. Asnem. Commentaires relatifs au rapport final, o. c., p. 10.

[33Ibid., p. 9.

[34Lorriaux A. Autisme, le « packing » condamné par la Haute autorité de santé. Le Huffington Post, 7 mars 2012.

[35Bourrat M. M. Recommandations HAS-Autisme. Lettre au Professeur Jean Luc Harousseau, Président du Collègue de la HAS (21 mars 2012). (disponible sur internet).

[36FFP-CNPP. Pourquoi la FFP-CNPP ne signe-t-elle, qu’avec des réserves majeures, la recommandation sur les interventions éducatives et thérapeutiques chez l’enfant et adolescent avec autisme. Perspectives Psy, vol 5&, 2, avril-juin 2012, pp. 162-164. (disponible sur internet).

[37Durand B. La HAS et l’autisme : une autorité de moins en moins haute. Fédération d’aide à la Santé mentale croix-marine. 16 mars 2012. (disponible sur internet).

[38Haute autorité de santé. (HAS) Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (Anesm). Commentaires relatifs au rapport final, o.c., p. 25.

[39Bettelheim B. Evadés de la vie. Quatre thérapies d’enfants affectivement perturbés. Fleurus. Paris. 1986, p. 29.

[40Cf par exemple le film d’Ivan Ruiz : D’autres voix. ; ainsi que Margot et Roman. Que sont-ils devenus ? Histoire d’enfants autistes qui ont rencontré un psychanalyste. http//fr.ulule.com /qsid / ou encore concernant la « pratique à plusieurs », le film de Mariana Otero : A ciel ouvert.

[41Lovaas O. I. Behavioral treatment and normal educational and intellectual functionning in Young autistic children. Journal of Consulting and Clinical Psychology, 1987, 55, pp. 3-9.

[42Tustin F. Le trou noir de la psyché. [1986] Seuil. Paris. 1989, p. 49.

[43Une discipline est nomothétique quand son objet et sa méthode permettent d’établir des lois générales ou universelles, représentées par des relations constantes entre les phénomènes observés.

[44Hochmann J. Histoire de l’autisme. O. Jacob. 2009, p. 442.

[45Le programme de Denver bénéficie d’une même recommandation favorable, mais sa pratique reste extrêmement marginale en France, de sorte qu’il est en général passé sous silence dans les commentaires des recommandations.

[46Haute Autorité de Santé. Autisme et autres Troubles envahissants du développement. Interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées chez l’enfant et l’adolescent. Synthèse de la recommandation de bonnes pratiques. mars 2012, p. 1.

[47Haute Autorité de Santé. Anesm. Argumentaire scientifique, o.c.,, p. 8.

[48Ibid., p. 415.

[49Dufau S. Autisme : un courrier embarrassant pour un centre toujours cité en exemple, Médiapart, 3 avril 2012. www. mediapart.fr

[50Cf Maleval J-C. Etonnantes mystifications de la psychothérapie autoritaire, Navarin / Le Champ freudien, Paris, 2012, p. 90-91.

[51HAS. Asnem. Commentaires relatifs au rapport final. Mars 2012, p. 4.

[52Déclaration des droits des personnes autistes, proposée par Autisme Europe, adoptée par le Parlement européen le 9 mai 1996.

[53HAS. Ansem. Argumentaire scientifique, o.c., p. 10.

[54Ansermet F. Giacobino A. Autisme. À chacun son génome. Navarin/Le champ freudien. 2012., p. 57 et p. 79.

[55Directeur thérapeutique de l’Antenne 110 de Bruxelles.

[56Responsable thérapeutique du centre thérapeutique et de recherche de Nonette.

[57Directeur du centre thérapeutique et de recherche de Nonette.

[58Directeur du Courtil.

[59Directeur thérapeutique et fondateur du Courtil.

[60Sadoun P. Prétention scientifique et chasse aux sorcières dans le monde de l’autisme. Mediapart. 29 Novembre 2012. http://blogs.mediapart.fr/blog/patrick-sadoun

[61Lettre adressée à l’Association Française des Psychologues de l’Education Nationale, le 15 Mai 2013, concernant le programme psychanalytique du Congrès AFPEN Nice 2013. Site internet d’Autisme France.

[63Unapei. L’Unapei s’oppose à la proposition de loi de M. Daniel Fasquelle visant à interdire l’accompagnement psychanalytique des personnes autistes. Communiqué de presse. 20 Janvier 2012. (disponible sur inetrnet).

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