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La psychanalyse est morte pour les autismes, vive la psychanalyse pour les autismes !

lundi 15 mai 2017, par le Collectif de praticiens auprès d’autistes

par Patrick Landman. Psychiatre, psychanalyste. Président de Stop DSM. 
patrick.landman wanadoo.fr

Dire que la psychanalyse est morte pour les autismes est une affirmation qui repose sur plusieurs faits concordants :

Tout d’abord après les décennies soixante soixante-dix du siècle dernier qui avaient vu la domination exclusive ou presque des théories psychanalytiques dans le champ de la pédopsychiatrie, les trente années qui ont suivi ont été l’occasion d’un changement de paradigmes au profit des théories neuro-scientifiques et des orientations comportementalistes. Tous les acquis exceptionnels apportés par la psychanalyse comme la finesse des observations cliniques, la subtilité des modèles descriptifs et des hypothèses sur le fonctionnement psychique en particulier les mécanismes de défense des personnes autistes comme l’identification adhésive ont été en quelque sorte balayés par la perspective nouvelle à orientation neuro-scientifique.

Déjà l’observation directe des bébés expérimentée par Brazelton (1970) , Bower (1978) ou Trevarthen (1979) sur le modèle d’Ester Bick avait imposé une révision de certains concepts promus par Frances Tustin comme celui “d’autisme primaire normal” imposant de distinguer l’état autistique d’un état archaïque du développement normal avec fixation ou régression. L’étape de l’autisme primaire normal n’existe pas, l’observation rigoureuse des nouveaux nés le démontre sans ambiguïté, il semblerait exister un noyau d’intersubjectivité primaire plutôt qu’un autisme primaire mais ce noyau ne préjuge pas ne détermine pas obligatoirement l’entrée dans l’intersubjectivité secondaire qui permet un contact avec l’autre distinct du sujet et constitué en objet distinct par le sujet, certains éléments exogènes environnementaux dont l’interaction avec ceux qui s’occupent du bébé ou endogènes par exemple cérébraux peuvent entraver le passage du noyau primaire à l’intersubjectivité secondaire. Certaines hypothèses (Golse 2013) font un lien entre la comodalisation de deux flux sensoriels impossible chez les autistes et le mantèlement/démantèlement à l’origine de la constitution de l’objet externe (Meltzer) Cette révision a entraîné une conséquence très importante : l’autisme ne pouvait plus entrer dans le champ des modèles freudiens ou kleiniens de développement du psychisme comme la perversion polymorphe de Freud pour les perversions ou les phases schizo-paranoïdes et dépressives de Klein pour les psychoses. Les psychanalystes auraient pu alors passer d’un modèle explicatif à un modèle plus modeste purement descriptif mais ce ne fut pas le cas. Tout d’abord certains n’admettaient pas les révisions de Frances Tustin refusant les conclusions des observations directes en leur opposant leur expérience clinique propre et Frances Tustin elle même continua de parler d’un “autisme psychogène” en prenant comme référence des syndromes post traumatiques où se révèle une fixation sur le “ne pas savoir, ne pas entendre”. Dans l’autisme psychogène il s’agirait d’une conscience traumatique de la séparation d’avec la mère, ce serait une amplification une exagération une intensification d’un groupe ,d’un ensemble de réactions spécifiques au trauma. On serait face à un mécanisme de survie psychique. Si les cas cliniques décrits par certains analystes sont convaincants les hypothèses qui soutiennent l’idée d’autisme psychogène ne sont pas corroborées par les découvertes des neuro-sciences, mais l’on sait de longue date que même avec des théories hasardeuses, approximatives ou fausses on peut “guérir”. Il est bien évident que certains cas d’autismes sont corrélés à des trajectoires traumatiques comme les abandons, les carences en tout genre ou même parfois les maltraitances médicales, dites iatrogènes, lors d’hospitalisation dans les premiers mois de la vie , mais ça n’est pas la règle générale bien évidemment et corrélation ne veut pas dire causalité dans le sens où les événements traumatisants peuvent avoir le rôle d’ événements déclencheurs sur un terrain de vulnérabilité neurologique ou génétique mais l’enchaînement des causalités reste inconnu. Ces événements traumatisants ont en quelque sorte la même fonction que certaines maladies métaboliques, génétiques, certaines encéphalopathies ou épilepsie qui sont associés à des syndromes autistiques, ce que l’on appelle les autismes syndromiques à différencier des autismes prototypiques qui eux ne s’accompagnent d’aucune pathologie cérébrale détectable en dehors de l’autisme lui même. Ces maladies associées jouent peut être un rôle de déclencheur du syndrome autistique, ce qui ferait de ces formes d’autisme une sorte de “voie finale commune” en relation avec des pathologies très diverses. Il faut alors plutôt parler d’autismes au pluriel et non d’autisme au singulier. La difficulté s’accroît avec les dernières découvertes génétiques qui retrouvent pour près de 40% des autismes un point de départ génétique mais un seul gène est exceptionnellement en cause la plupart du temps on est en face d’un tableau intéressant de multiples mutations sur plusieurs gènes qui ont chacune d’entre elles une faible pénétrance, seule leur association compte mais n’est pas suffisante car leur expression phénotypique n’est pas déterminée à l’avance, ce qui fait que les mêmes mutations peuvent entraîner tantôt un autisme tantôt aucune pathologie ou une autre pathologie que l’autisme. L’intérêt clinique repose sur le fait que devant un tableau autistique en relation avec une mutation accidentelle “de novo” les parents n’ont a priori pas à s’inquiéter pour faire un autre enfant ce qui est différent dans un cas de mutation transmise. Autrement dit le gène de l’autisme n’existe pas. Par ailleurs les mutations génétiques intéressent surtout les autismes syndromiques et pour le moment très peu d’autismes prototypiques, c’est à dire plus l’autisme est “pur” moins il est “génétique” ce sont les découvertes actuelles mais cela peut naturellement changer.

La deuxième grande série de raisons qui expliquerait la “mort “ de la psychanalyse dans l’autisme tient à la nouvelle définition de l’autisme issue du DSM le manuel US de classification des pathologies mentales. Après avoir éliminé les psychoses infantiles le DSM a tout d’abord inclus l’autisme dans un ensemble que sont les troubles envahissant du développement (TED) puis depuis la version 5 de ce manuel on parle de troubles du spectre autistique (TSA). C’est dire que l’autisme est devenu la référence centrale on est plus ou moins autiste, l’autisme lui même étant défini selon des critères relativement simples permettant avec un abaissement des seuils d’inclusion une augmentation incroyable de la prévalence. Bientôt “ tous autistes “. Deux seuls critères diagnostiques suffisent pour être inclus dans le trouble du spectre autistique : A) Existence de déficits persistants de la communication et des interactions sociales observés dans des contextes variés. La communication et les interactions sociales sont regroupées dans la version 5 du DSM alors qu’elle étaient dissociées dans la version IV. B) Caractère restreint et répétitif des comportements, des intérêts ou des activités. Avec ces deux critères diagnostiques on peut commencer à poser un diagnostic d’autisme, lequel sera confirmé ou infirmé par des tests complémentaires et des évaluations de différentes sortes, mais le premier pas est franchi et cette inclusion selon les critères du DSM dans le spectre du trouble autistique est prise en compte dans le chiffrage de la prévalence. La prévalence est alors utilisable comme moyen de pression sur les décideurs politiques pour financer des établissements de soins, des recherches, fournir des aides en tout genre. Par ailleurs le diagnostic d’autisme permet une ouverture de droits particuliers issus de législations spécifiques pour l’enfant et sa famille et procure ainsi un avantage par rapport à d’autres diagnostics.

Le diagnostic de trouble du spectre autistique est un diagnostic essentiellement d’observation comportementale, il risque d’entraîner donc tout naturellement une démarche thérapeutique exclusivement d’orientation comportementaliste. Il met l’accent uniquement sur les déficits et ne parle pas des compétences des enfants autistes là encore il favorise ou est dans l’esprit des méthodes purement normatives. Pourtant dans la plupart des cas les autistes ont des compétences importantes et il n’est pas du tout sûr qu’il faille considérer leurs intérêts restreints d’un seul point de vue négatif et donc les empêcher alors qu’il s’agit peut être d’une curiosité d’un éveil au monde extérieur, d’un recueil de données ou d’une recherche d’information. C’est le point de vue des partisans de la neuro-diversité et de Laurent Mottron. Les critères diagnostiques du DSM ne s’intéressent en rien à la réalité psychique des autistes comme par exemple les manifestations qu’on peut assimiler à des angoisses très fortes paroxystiques qui surviennent périodiquement. Cette réalité psychique est hors jeu. Le DSM a porté un coup de grâce à la psychanalyse dans l’autisme en désignant l’autisme comme trouble neuro-développemental, non pas en ce que le terme lui-même est gênant mais en raison des interprétations qu’il suggère concernant l’étiologie. Neuro-développemental suggère neurologique et donc une étiologie mono factorielle purement organique, un certain déterminisme pour ne pas dire un déterminisme certain, le retour à une médecine d’organe, le cerveau en l’occurrence, excluant toute causalité psychique car le psychisme n’est pas un organe.

Enfin la représentation sociale de l’autisme a également changé grâce à l’action des usagers et des autistes eux mêmes qui se sont de plus en plus détournés non seulement de la psychanalyse mais de la psychiatrie qu’ils accusaient de culpabilisation enfermement et stigmatisation. Ils refusent d’être considérés comme des malades mentaux ce qui se comprend : certains considèrent qu’être autiste représente une façon d’être comme une autre et comme nous sommes tous différents nous avons aussi un cerveau différent et qu’il existe des neuro-typiques et des neuro-atypiques que sont les autistes. Cette vision des choses a entraîné une sorte de regroupement communautaire d’un certain nombre d’usagers autour de leur identité d’autiste. L’autisme qui était en 1943 une pathologie très grave et très peu évolutive est devenu en 2017 un mode d’être comme un autre et que la société se doit d’inclure.

Il ne sert à pas grand chose de dénoncer cette évolution si ce n’est à passer pour des nostalgiques des époques précédentes où régnait un âge d’or entre psychanalyse et psychiatrie mais qui n’était pas du tout satisfaisant.

En France les autistes et leurs parents se sont heurtés trop souvent à une arrogance des psychanalystes qui masquait une impuissance à guérir, à une doxa dominante qui situait un péché originaire du côté du désir des parents et en particulier de la mère et qui ne pouvait être pris autrement qu’une culpabilisation. Je me demande si ça n’était pas une sorte d’influence de la religion sur la doxa analytique : au péché originaire de la Bible concernant la femme on substituait le péché originaire de la mère d’autiste. Mais tout cela a entraîné des traumatismes car quand on vient en consultation avec un enfant très différent des autres, et avec lequel l’interaction est si difficile, se voir indirectement accusé de sa pathologie ajoute de la souffrance à la souffrance. Ces traumatismes sont si répandus que de nombreux parents préfèrent des méthodes comportementalistes intensives comme la méthode ABA où ils sont réduits à la fonction d’auxiliaire éducateur au détriment de toute spontanéité et de toute initiative parentale et se sentent souvent culpabilisés s’ils dévient de la ligne. En fait, les psychanalystes qui travaillent spécifiquement dans le champ de l’autisme sont à des années-lumière des pratiques encore aujourd’hui dénoncées par les associations d’usagers. L’idée même d’interpréter un symptôme autistique comme Freud interprétait un symptôme hystérique au début du siècle dernier est un non sens absolu, une absurdité, les psychanalystes travaillent avec les autistes avec une toute autre approche.

De nos jours les cures psychanalytiques avec les autistes sont intégrées dans un programme d’action pluridisciplinaire dans lequel prennent place des approches éducatives, pédagogiques et rééducatives, orthophoniques, psychomotrices, etc.

Enfin cette doxa psychanalytique qui “accusait “ les parents a une bien étonnante postérité. Certains parents d’autistes, certains usagers, accusent la doxa psychanalytique d’influencer les travailleurs sociaux qui préconisent les placements d’enfants autistes. En réalité le problème se pose face à un enfant autiste qui présente très régulièrement des plaies, des ecchymoses, des hématomes, s’agit-il de maltraitance ou s’agit-il d’auto-mutilations ? La réponse est au cas par cas sachant que les auto-mutilations existent et qu’elles peuvent faire croire à de la maltraitance : il est de la responsabilité des professionnels de savoir faire la distinction. Les parents d’autistes sont des femmes et des hommes comme tout le monde ils ne sont en rien coupables de l’autisme de leur enfant, ils doivent supporter une interaction très complexe et pénible qui engendre une souffrance psychique à prendre en compte. Les parents d’autistes ne sont ni à diaboliser, ni à culpabiliser mais ils ne doivent pas être sacralisés non plus, certains cas de maltraitance peuvent exister. Accuser la psychanalyse dans les placements injustifiés est irrationnel et abusif.

Vive la psychanalyse dans les autismes !

Comment les psychanalystes ont-ils organisé la résistance ? Après tout ce que je viens d’énoncer on pourrait m’objecter que la psychanalyse n’a plus sa place dans l’autisme, qu’elle s’est avérée défaillante en confondant psychoses et autismes, en prétendant que l’autisme était psychogène etc. Pourtant les cures psychanalytiques ont démontré leur efficacité comme en témoignent des centaines d’études de cas et des dizaines de livres. Ces études de cas ne sont pas prises considération par les experts scientifiques qui ont leur critère de preuves scientifiques : seules les études cliniques randomisées en double aveugle ou presque ont grâce à leurs yeux, c’est la règle du fameux consensus qui est “l’enfant” de l’evidence based medecine (EBM). Pourtant il existe de nombreux livres et articles qui montrent les limites de l’EBM en général et surtout en psychiatrie mais rien n’y fait car on ne trouve pas mieux pour orienter les décisions. Les études de cas ne sont évidemment pas parfaites elles sont potentiellement biaisées l’évaluateur étant le thérapeute lui même il n’y pas de groupe contrôle, les progrès que le thérapeute attribue à la thérapie d’un enfant autiste par exemple sont peut être attribuables à une évolution spontanée de la pathologie ou sont dus à d’autres facteurs. Les études de cas ne sont pas reproductibles, comme l’impose la science. Pour toutes ces raisons les cas de cures psychanalytiques avec les autistes ne peuvent pas entrer dans le cadre du consensus d’experts qui sont chargés dans tous les pays européens de publier des recommandations de bonne pratique plus ou moins opposables aux praticiens. Ce fait marginalise la psychanalyse et c’est la raison pour laquelle à la suite de l’American Psychological Association (APA) qui a publié des règles pour évaluer “scientifiquement” les psychothérapies certains psychanalystes ont mis en place des protocoles de recherche qui tiennent compte de la spécificité des psychothérapies psychodynamiques avec les autistes. Les résultats intermédiaires sont intéressants. Ils sont encourageants par exemple dans ces études où l’on constate le fait que les traits généraux de la pratique clinique ajustée des cliniciens, pour la plupart psychanalystes (58 sur 65), ne s’accorde aucunement avec les caricatures qui ont été diffusées sur la psychanalyse.

En revanche, on retrouve certaines qualités partagées par les cliniciens, notamment la sensibilité, l’implication, la place première réservée au patient et l’ajustement fin à ses possibilités, la capacité de faire face aux provocations et pulsions violentes des enfants, d’utiliser au mieux la dimension pré-verbale, etc. La participation et le soutien des parents sont évidemment aussi des aspects importants. Donc les psychanalystes s’occupant d’autistes ou au moins certains d’entre eux ont décidé de participé à la recherche avec les modalités appliquées aux autres méthodes thérapeutiques en particulier médicamenteuses. Les résultats font déjà l’objet de critiques ou de polémiques mais ils sont là.

La résistance des psychanalystes n’a pas simplement consisté à entrer dans le jeu de l’évaluation elle a pris aussi d’autres formes comme la “résistance étiologique”. A la définition consensuelle de trouble neuro-développemental on peut opposer une autre définition : “l’autisme est la forme la plus grave d’échec de l’intersubjectivité” Mettre l’accent sur l’intersubjectivité plutôt que sur le neuro-développemental ouvre de nouvelles perspectives, car l’accès à l’intersubjectivité se fait par étapes successives au cours desquelles la relation avec les proches est essentielle et bien sûr en premier lieu avec les parents. A l’ancienne causalité psychique on substitue une causalité interactive. Dans les cures psychanalytiques c’est la dimension d’accès à l’intersubjectivité qui est mise en avant et pour cela la psychanalyse est irremplaçable. On observe que des enfants peuvent avoir au cours de leur première année des signes de la série autistique mais qu’ils ne développeront pas tous un autisme, certains d’entre eux s’enfermeront dans un syndrome autistique alors que d’autres reprendront le cours d’un développement normal. Ce qui a fait dire à certains psychanalystes qu’il existe un processus autistisant sur lequel on peut intervenir pour en interrompre l’évolution vers un syndrome autistique complet, tout n’est pas joué à la naissance, plusieurs facteurs peuvent intervenir dans ce processus autistisant en particulier l’interaction avec ceux qui s’occupent de l’enfant. D’où l’idée que le psychanalyste peut aider par son observation et son expérience clinique les parents dans leur interaction avec l’enfant difficile.

Les vidéos familiales faites dans le cadre de recherches en Italie ont montré par exemple que l’interaction entre un bébé peu communiquant peu répondeur, hypotonique donc à risque d’évolution autistique et une mère hyperstimulante était souvent contre productif. Agir sur l’interaction entre l’enfant à risque autistique et les adultes dans le but de favoriser une ouverture vers l’intersubjectivité c’est prendre très précisément le contre-pied des méthodes comportementalistes type ABA qui ne prennent en compte que l’interaction comportementale, les parents jouant le rôle d’auxiliaire éducateur ABA les règles doivent être les mêmes partout au foyer de l’enfant comme ailleurs.

Parmi les nombreux reproches qui sont faits à la psychanalyse il y a celui de ne pas être suffisamment actif, d’attendre trop que le désir de l’enfant émerge, ce qui laisse l’enfant trop longtemps dans son monde autistique et surtout ce qui nuit à son développement en lui faisant perdre des chances. Derrière ce reproche il y a l’idée que développement cérébral comporte certaines étapes sous forme de fenêtre qui s’ouvre et, si l’opportunité n’est pas saisie, l’acquisition sera beaucoup plus difficile voire impossible. En fait cela semble être le cas pour certaines acquisitions comme la lecture mais pas pour toutes les acquisitions.

S’il est vrai qu’une cure psychanalytique avec un enfant autiste exige une retenue de la part du thérapeute, la cure ne se fait jamais seule à l’exclusion des autres prises en charge de l’enfant qui elles sont actives ou plus actives. De plus les techniques éducatives d’éveil, de jeu, de récréation qui utilisent les désirs de l’enfant s’avèrent efficaces pour les jeunes enfants. Il faut {{}}souligner que les avancées scientifiques récentes ne discréditent pas du tout la question d’un traitement relationnel et par le jeu.

Par exemple le Pr Catherine Barthélémy a reçu le prix de l’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale) : elle a développé avec le Pr Lelord la Thérapie d’Echange et de Développement, thérapie par le jeu pratiquée de façon intégrative (2 séances /semaine) en hôpital de jour. Elle déclare qu’on améliore « de toute façon » la qualité de vie des autistes « en leur permettant d’accéder à la confiance, à l’échange, à la complicité et à la relation avec l’autre ».

La méthode Denver (ESDM) a le vent en poupe dans les publications internationales. Elle est en train d’être implantée et expérimentée en France dans un certain nombre de service qui sont des services « intégratifs », mixant plusieurs approches pour répondre à la complexité des troubles et la diversité des patients. C’est une approche dans laquelle le jeu et la qualité d’empathie et de réceptivité du thérapeute sont au premier plan.

La méthode des 3i également basée sur le jeu individuel et la réceptivité du thérapeute pour entrer en relation avec l’enfant, donne des résultats intéressants qui vont être publiés prochainement. Sans parler d’un retour de la psychanalyse il semble évident que les méthodes qui tiennent compte de l’interaction sont de plus en plus utilisées et évaluées.

La méthode de « l’Affinity Therapy » également est en cours d’évaluation et s’avère très prometteuse. C’est une méthode qui se fonde sur le fait que le savoir (le sujet supposé savoir ?) n’est pas seulement du côté de la personne en charge des autistes mais aussi du côté des personnes autistes.

Mais que peut on attendre d’une cure analytique avec des enfants autistes ? Ces cures à deux ou trois séances par semaine se fixent en fait plusieurs buts :

 partant de l’hypothèse de la construction de l’intersubjectivité, de son accès progressif, la cure analytique avec des autistes doit faire ressentir à l’enfant qu’un autre existe et n’est pas menaçant. Il existe une dialectique entre la subjectivation et l’accès à l’intersubjectivité. L’autre est reconnu dans le même mouvement que le sujet se reconnaît comme sujet. Donc l’objectif est double : que le sujet se voit comme sujet et sujet distinct de l’autre avec lequel il entre en interaction sans danger excessif.

 certains comportements stéréotypés, certaines figurations peuvent recevoir un sens de la part de l’analyste, permettant de mettre des mots sur ce que l’enfant figure devant l’autre, donne à voir à l’autre.

 les émotions qui sont ressenties par l’enfant autiste peuvent également recevoir des mots pour les identifier, c’est le rôle de l’analyste que d’aider à la mise en mots, le psychanalyste par son empathie par son expérience du transfert et du contre transfert est bien placé pour décoder les messages.

 ainsi l’enfant pourra faire l’expérience qu’il peut communiquer une part de sa vie intime, de son vécu intérieur, à l’autre sans en être détruit en retour.

 l’enfant autiste éprouve des angoisses très archaïques, ces angoisses se manifestent lors des séances de psychanalyse comme lors des activités quotidiennes ce sont des angoisses que l’on appelle de vidange, vidage, de tremblement ou de liquéfaction d’où la recherche récurrente par les autistes de points d’appui durs comme par exemple un mur contre lequel s’appuyer. L’analyste confronté à ces moments d’angoisse au cours de la cure pourra, saura mettre des mots sur ces angoisses archaïques.

Les autistes ressentent des souffrances psychiques intenses et si je comprends qu’il puisse s’avérer nécessaire de les écarter d’un point de vue plus méthodologique qu’épistémologique pour s’occuper des autistes selon certaines méthodes à forte teneur comportementale il n’est pas admissible d’en nier l’existence. Nier l’existence de souffrances psychiques chez les autistes revient à une sorte de maltraitance. Les témoignages d’autistes qui ont en quelque sorte expérimenté à des degrés divers cette négation ne manquent pas. Elles ou ils (Temple Grandin par exemple ou Michelle Dawson) expliquent fort bien que le forçage des méthodes purement comportementalistes est une sorte de maltraitance et sans explicitement réhabiliter les méthodes psychanalytiques elles prônent un respect de la personne autiste, de ses désirs, de son développement atypique.

Il semble en conclusion que comme souvent dans le champ de la psychiatrie on assiste à un mouvement de balancier. Après les années de “l’arrogance psychanalytique”, où la psychanalyse prétendait à l’hégémonie et servait de métalangage pour surplomber l’ensemble des autres discours, et après les années qui ont suivi de “l’arrogance scientiste”, qui devait découvrir très rapidement les marqueurs biologiques de toutes les pathologies mentales, il semble que l’on revienne petit à petit à une situation plus mélangée en particulier dans l’autisme.

Le triomphalisme scientifique au service de certains intérêts mercantiles a laissé place au doute en particulier sur la validité des résultats à long terme (Shea 2004) des méthodes purement comportementalistes. Certaines associations d’usagers essaient par l’activisme médical, le lobbying, la communication d’obtenir ce que la science ne leur donne pas, elles réussissent en partie à influencer certains législateurs, mais la réalité est bien là : il n’existe pas de vérité scientifique sur l’autisme , nul ne peut faire un diagnostic d’autisme sur des marqueurs biologiques ce qui nuit à la prévention, enfin aucune méthode ne peut prétendre guérir l’autisme ou même obtenir des résultats très satisfaisants.

Dans ce contexte les méthodes psychodynamiques et les cures psychanalytiques en tout premier lieu gardent leur pertinence à condition de bien poser les indications, de sélectionner les bons thérapeutes qui doivent avoir certaines qualités et d’associer à ces cures d’autres prises en charge de type éducative ou rééducative. Le pari le plus audacieux des psychanalystes est de supposer un sujet à un être qui ne parle pas, ne semble pas comprendre ce qu’on lui dit, ne communique pratiquement pas par des voie non verbales et présente des comportements déroutants. A partir de cette supposition subjective les psychanalystes essaient de comprendre avec des modèles descriptifs le fonctionnement psychique en particulier pulsionnel de ce sujet et ils adaptent leur pratique à cette réalité psychique supposée. Cette méthode peut apparaître ne pas être suffisamment active mais encore une fois elle n’est plus jamais pratiquée seule et il n’est pas sûr que les méthodes actives à 100% ou “hyperactives” obtiennent de meilleurs résultats à long terme.

Malheureusement en 2017 les autismes conservent leur opacité, leur mystère, et devant ce fait incontournable, qui produit de l’incertitude, il convient de résister aux attitudes dogmatiques ou aux réactions passionnelles.

Le tout psychanalytique a échoué mais le tout comportemental a également échoué.

Mai 2017

Références :

 PIERRE DELION :

http://www.autisme42.org/autisme_files/file/lettre%20delion.pdf

 GARY B. MESIBOV And VICTORIA SHEA

Evidence Based Practice and Autism, in Autism 15(1):114-33 · September 2010.

 BERNARD GOLSE

Mon combat pour les enfants autistes. Odile Jacob. 2013.

 JEAN-CLAUDE MALEVAL

http://autistes-et-cliniciens.org/_Jean-Claude-Maleval

 LAURENT MOTTRON

L’intervention précoce pour enfants autistes. Mardaga. 2016.

 LISA MILLER and al

Closely observed infants. 1989.

 ELISABETH ROUDINESCO :

http://www.lemonde.fr/livres/article/2008/04/18/henri-rey-flaud-les-enfants-de-l-autre-monde_1035538_3260.html

 FRANCES TUSTIN

Autistic states in children. 1999.

 J.-M. THURIN , M. THURIN , D. COHEN , B. FALISSARD.

Approches psychothérapiques de l’autisme.

Résultats préliminaires à partir de 50 études intensives de cas

http://speapsl.aphp.fr/pdfpublications/2014/2014-6.pdf