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De l’autisme supposé d’Albert Einstein

dimanche 24 mars 2024, par Jean-Claude Maleval

En partant du postulat que s’adonner passionnément à un domaine de recherche ou à une activité est un intérêt spécifique autistique, un grand nombre de personnalités célèbres sont aujourd’hui rétrospectivement considérées comme autistes, puisqu’il leur a fallu quelque peu se couper des autres pour s’y consacrer, et y revenir avec insistance pour le développer. Le génie serait donc associé à un intérêt spécifique, à la solitude et à l’immuabilité. Dès lors la liste des autistes célèbres s’avère longue et ne cesse de croître : Marie Curie, Ludwig Wittgenstein, Alan Turing, Bobby Fischer, Amadeus Mozart, Vincent Van Gogh, John Nash, Isaac Newton, Woody Allen, Charles Darwin, etc.

Parmi les personnages les plus cités sur Internet, pour lesquels le diagnostic d’autisme est rétrospectivement posé, figurent assurément le pianiste Glenn Gould et le physicien Albert Einstein. En 2024, une recherche sur Google les associant au syndrome d’Asperger donne 789 000 résultats pour le premier, et 285 000 pour le second. Chiffres considérables l’un et l’autre, mais révélant une différence qui témoigne sans doute d’une argumentation plus solide concernant Gould. Ce sont des psychiatres qui comptaient parmi ses amis qui ont émis l’hypothèse de son autisme ; en revanche ceux qui l’ont fait pour Einstein ne l’ont jamais rencontré. Néanmoins Simon Baron-Cohen, spécialiste de l’autisme mondialement connu, la considère plausible [1], tandis que dès 1995 Grandin opère des rapprochements entre son fonctionnement et celui d’Einstein [2]. Dans un travail antérieur, il m’avait d’abord paru intéressant d’examiner les données biographiques disponibles concernant Gould. À une étude attentive, il apparaissait en effet qu’à s’en tenir à une approche superficielle de ses comportements, telle que celle proposée par le DSM-5, il était possible de l’inclure dans l’autisme. Toutefois à certaines conditions, les principales étant de ne pas prendre en compte le niveau d’intensité des comportements, de ne pas s’interroger sur leur sens, de négliger les épisodes délirants, de ne pas envisager un diagnostic différentiel, et d’ignorer la clinique de la psychose ordinaire. En revanche, quand on aborde les données disponibles en prenant appui sur des repères issus de la clinique psychanalytique, il se dégage comme majeur quant au fonctionnement subjectif de Gould une permanente nécessité de se protéger d’un Autre malveillant par un évitement des relations sociales. Cependant il ne fut jamais été hospitalisé et son fonctionnement resta toujours compatible avec une vie professionnelle accomplie. Son intense investissement de la musique constitua une suppléance capable de tempérer ses démons et de contenir sa psychose ordinaire parfois malgré tout débordée par de courts épisodes délirants [3].

Toutefois, l’autisme supposé d’Einstein mérite aussi que l’on s’y attarde, car l’association de l’autisme au génie dans l’imaginaire contemporain en fait une sorte de paradigme. Cette association trouve sa source dans le film « Rain Man » diffusé en 1988. Avant cette date, l’autisme était considéré comme l’une des pathologies mentales les plus graves, ne laissant guère d’espoir d’insertion sociale. L’enfant autiste était le plus souvent décrit comme ne parlant pas. Cette image se modifie radicalement à la fin du XXe siècle, pour apparenter l’autisme dans les médias au génie. Dans la scène la plus célèbre de Rain Man, Raymond Babitt donne presque instantanément et sans se tromper le nombre de 246 cure-dents tombés par terre. Moment exceptionnel qui reste dans toutes les mémoires. Or, comme l’a souligné Tammet, « cette supposée capacité à distinguer simultanément de grandes quantités n’a jamais été rapportée dans aucune étude » chez les autistes, ni même chez ceux qui présentent le syndrome du savant [4]. De surcroît l’hypothèse du « génie autistique » s’alimente à la mémoire exceptionnelle de certains qui, à l’instar de Tammet, peuvent mémoriser les 22 514 premières décimales du nombre pi [5]. De telles performances restent rares, mais elles captent l’attention et contribuent à modifier l’appréhension de l’autisme jusqu’à le magnifier et faire d’Einstein son archétype.

Si la clinique psychanalytique permet de dégager des données discriminantes permettant de conclure quant au fonctionnement subjectif de Gould, on peut supposer qu’il puisse en être de même pour A. Einstein. Il existe aussi le concernant des éléments comportementaux pouvant permettre de conclure à l’autisme, cependant les avis sont plus divergents que pour Gould, et ils viennent de sources moins autorisées. Une approche psychanalytique des nombreuses données biographiques disponibles sur Einstein semble de prime abord orienter vers le même fonctionnement subjectif que Gould, car tous deux ont en commun d’être fondamentalement des rebelles, plutôt solitaires, non conformistes, et partageant une passion commune de la musique. Toutefois, à une analyse plus fine, il apparaît des différences majeures.

Les traits autistiques discernés chez Einstein.

Le mutisme.

L’argument principal toujours invoqué de prime abord concerne des troubles du langage, en particulier le fait qu’Einstein n’aurait parlé que tardivement. Pour argumenter l’autisme, certains forcent le trait : muet jusqu’à 5 ans, ne parlant pas couramment avant 7 ans voire 9 ans. En fait, Einstein rapporte : « Mes parents se firent du souci parce que j’ai commencé à parler relativement tard, et ils avaient consulté le médecin à ce sujet. Je ne sais pas au juste quel âge je pouvais avoir alors, mais j’avais en tout cas dépassé trois ans » [6]. Sachant qu’un enfant commence à former ses premières phrases à deux ans, le retard n’apparaît pas d’emblée majeur. En outre, le comportement du petit enfant, à en croire ses grands-parents, ne présente pas les caractéristiques de l’évitement autistique. Le 24 juin 1881, rapporte Hoffmann, alors qu’Einstein avait deux ans et trois mois, sa grand-mère maternelle, Jette Kock, écrivait : « Ce petit Albert est si attachant que je suis déjà toute triste de ne pas le revoir pendant un bon bout de temps ». La semaine suivante, elle notait « Des souvenirs du petit Albert nous sont revenus. Il était si mignon et si gentil, nous ne cessons de reparler des drôles d’idées qu’il avait » [7]. Ces quelques indications n’orientent pas vers le tableau d’un enfant souffrant d’un trouble du contact affectif, fuyant le regard, et agissant, selon les termes de Kanner, « comme si personne n’était là » [8].

Malgré la consultation d’un docteur, le mutisme du petit Albert ne nécessita pas une prise en charge spécifique. D’ailleurs, il semble avoir vite disparu, puisqu’à l’école primaire, ce fut un bon élève, souvent parmi les premiers de sa classe [9]. Un mutisme passager reste un trouble bénin, quand il ne s’accompagne pas d’autres troubles du langage, et quand il y est vite remédié.

Toutefois, quand Einstein commença à utiliser des mots, peu après l’âge de deux ans, il développa une bizarrerie qui incita la femme de chambre à le surnommer ’der Depperte’, le stupide, tandis que d’autres membres de sa famille le qualifièrent de presque arriéré. « Chaque fois qu’il avait quelque chose à dire, il l’essayait de lui-même, le murmurant doucement jusqu’à ce que le son soit suffisamment bon pour être prononcé à haute voix. « Chaque phrase qu’il prononçait, se souvient sa sœur cadette, peu importe la routine, il se la répétait doucement, en remuant ses lèvres .
Tout cela était très inquiétant, dit-elle. Il avait de telles difficultés avec le langage que son entourage craignait qu’il ne l’apprenne jamais » [10]. Einstein lui-même fait état de ce phénomène en notant que, bien qu’il ne fut jamais devenu par la suite un véritable orateur, son développement ultérieur fut parfaitement normal, en dehors du fait qu’il répétait ses propres paroles à voix basse [11]. Certains en concluent qu’il présenta une forme « d’écholalie bénigne » parce qu’il se répétait ses phrases à lui-même, deux ou trois fois, surtout celles qui l’amusaient [12]. Or l’écholalie consiste en une répétition de mots pris dans les énoncés d’un autre, qu’ils aient été entendus immédiatement (écholalie immédiate) ou précédemment (écholalie différée), elle s’accompagne le plus souvent d’un sentiment d’énigme, témoignant de son surgissement hors-discours. Elle révèle une énonciation en rupture de la chaîne signifiante, ce qui n’est assurément pas le cas d’une répétition de ses propres paroles, parfois accompagnée de satisfaction.

Pour que les troubles du langage du petit Albert puissent venir à l’appui d’un diagnostic d’autisme, il aurait fallu que leurs ébauches se confirment, et qu’une certaine labilité de la dimension symbolique s’en déduise. Les cliniciens se montrent exigeants concernant les développements des troubles du langage propres à l’autisme : ils demandent qu’ils soient « importants » et donnent comme exemple : « mutisme, écholalie, ritournelle, langage maniéré, incapacité à manier correctement les pronoms, etc. ». Même dans l’optique descriptive de la psychiatrie contemporaine, l’ébauche de mutisme d’Einstein ne saurait constituer une donnée clinique suffisamment importante et significative pour cocher l’item du DSM-5 intitulé « déficits des comportements de communication utilisés pour les interactions sociales  ».

Qui plus est, selon l’un de ses meilleurs biographes, « les problèmes de développement d’Einstein ont probablement été exagérés, peut-être même par lui-même, car nous avons des lettres de ses grands-parents adorés disant qu’il était aussi intelligent et attachant que tous les petits-enfants » [13].

Le mutisme précoce d’Einstein, argument majeur invoqué en faveur de son autisme, si l’on s’attarde sur sa spécificité, apparaît à cet égard peu convaincant.

La solitude.

Qu’importe : on insistera alors sur sa solitude. Ne présentait-il pas « un déficit persistant des interactions et de la communication sociale » [14] le conduisant à se couper des autres ? Ce trait est certes présent dans l’image grand public du Professeur Tournesol, mais Einstein n’était pas celui-là. « Sa distraction, note Isaacson, a été exagérée ». L’image du professeur à l’esprit absent était un rôle qu’il était heureux de jouer en public [15]. Toutefois, il note qu’Einstein « aimait se présenter comme un solitaire. Même s’il avait un rire contagieux, comme l’aboiement d’un phoque, celui-ci pouvait parfois être blessant plutôt que chaleureux. Il aimait être en groupe, jouer de la musique, discuter d’idées, boire du café fort et fumer des cigares âcres. Pourtant, ajoute son biographe, un mur à peine visible le séparait même de sa famille et de ses amis proches » [16]. En fait, sa solitude était recherchée comme une condition propre à favoriser ses recherches :« la monotonie d’une vie tranquille, affirma-t-il, stimule l’esprit créatif » [17]. Bien différente est la solitude de l’autiste qui s’impose à lui et à laquelle il voudrait remédier. « Je n’ai jamais voulu être seul, affirme l’un d’eux. Je jouais seul parce que je n’arrivais pas à jouer avec les autres. J’étais seul en raison de mes propres limites, et être seul fut l’une des déceptions les plus âpres de ma jeune vie » [18]. Les autistes « bâtissent une barricade » autour d’eux, note un autre, non pour se couper du monde, mais « pour tenir les gens à distance » [19]. Il ajoute : « la vérité c’est qu’on aime beaucoup la compagnie des gens. Mais ça dégénère presque toujours », dès lors « on finit par s’habituer à la solitude sans même la remarquer » [20].

Loin d’être indifférent au monde dans lequel il vivait, Einstein fut engagé dans de multiples combats politiques : il milita pour le pacifisme, le sionisme et le socialisme, il soutint les républicains espagnols qui combattaient le franquisme, et il s’engagea contre le nazisme, le racisme et le Macarthysme.

En ce qui concerne la vie amoureuse d’Einstein, elle est en radicale opposition avec son image répandue d’un homme lointain et indifférent. « Tout au long de sa vie, affirme l’un de ses biographes, sa relation avec les femmes a semblé soumise à des forces indomptables. Son attrait magnétique et son attitude émouvante attiraient souvent les femmes. Et même s’il se protégeait habituellement d’engagements compliqués, il se retrouvait parfois pris dans le tourbillon d’une attirance passionnée » [21]. Dès 16 ans, il tomba amoureux de Marie Winteler [22]. Sa relation avec sa première femme Mileva Maric, qu’il épousa contre l’avis de sa famille, fut ardente et tumultueuse. Avec la seconde, avec laquelle il se maria en 1919, elle fut plus apaisée, Elsa s’efforçant de le protéger et de le mettre dans les meilleures conditions pour son travail. « Je dois avoir quelqu’un à aimer, lui écrivit-il, sinon la vie est misérable. Et ce quelqu’un est vous » [23]. Toutefois, il eut par la suite plusieurs relations extra-maritales. En 1923, il tomba amoureux de sa secrétaire Betty Neumann, à laquelle il écrivit des lettres passionnées, puis il eut des liaisons avec Toni Mendel, Ethel Michanowski, et Margarete Lebach [24]. A 66 ans, il s’éprit d’une espionne soviétique, Margarita Konenkova, à laquelle il écrivit plusieurs lettres d’amour révélées après sa mort [25]. La complexité de la vie amoureuse d’Einstein n’évoque guère le fonctionnement autistique, néanmoins il faut se garder de considérer cela comme décisif : il arrive que certains autistes, malgré une difficile connexion à leurs affects, parviennent à connaître une vie amoureuse assez riche (Horiot, Williams), même s’il est avéré que cela reste rare. Bref, bien que cherchant la solitude, Einstein fut entouré d’amis et de femmes, tandis qu’il noua de multiples liens dans le monde politique et scientifique.

Quand le clinicien formé à l’approche des DSM retient le comportement solitude, il ne s’interroge pas sur le sens de celui-ci, ce qui le conduit à confondre la solitude subie de l’autiste, à laquelle il se résout malgré lui, avec la solitude recherchée d’Einstein, favorable à ses travaux.

D’autre part, bien que ce ne soit pas explicite pour le DSM-5, la plupart des spécialistes s’accordent pour considérer qu’un gel des affects est une des caractéristiques initiales du syndrome autistique. Les autistes, constate Williams, sont « des êtres humains secrètement piégés dans une affectivité mutilée » [26].« Fondamentalement, affirme-t-elle, la solution que j’avais trouvée pour réduire la surcharge affective et permettre ainsi ma propre expression consistait à combattre pour et non pas contre la séparation entre mon intellect et mes émotions » [27]. À l’encontre d’une opinion répandue, elle considère ainsi qu’il y a dans l’autisme « une volonté de se déconnecter, non pas de se brancher » [28]. Selon B. Sellin, l’autisme est « un dérèglement tel qu’il ne fut jamais correctement décrit/ c’est la coupure de l’homme des premières expériences simples comme des expériences essentielles et importantes par exemple pleurer » [29]. Une autiste de haut niveau, J. March, témoigne : « J’avais appris à me préserver en m’éloignant émotionnellement des autres. Je me rendis compte que cette distance que je mettais entre moi et les autres n’était rien d’autre qu’une carapace protectrice : les sentiments que je pouvais éprouver m’envahissaient jusqu’à devenir douloureux et insupportables » [30]. Kanner s’est montré d’emblée perspicace en considérant que l’autisme consistait fondamentalement en un trouble du contact affectif. Asperger discernait lui aussi qu’avec leurs « sentiments limités », les autistes ne « savent que faire de l’affection qu’on leur porte et la reçoive dans l’incompréhension et même la repoussent » [31]. Un tel gel des affects est assurément peu compatible avec la richesse de la vie sentimentale d’Einstein. Il confia par exemple avoir longuement pleuré quand Mileva Maric le quitta. Elle emmena avec elle leurs deux garçons. Bien loin d’appréhender le départ de ses enfants avec un détachement autistique, Einstein vécut cela comme un déchirement, témoignant qu’il leur était très attaché. Il écrivit à Milena : « J’ai porté ces enfants d’innombrables fois, jour et nuit, je les ai sortis dans leur landau, j’ai joué avec eux, je me suis amusé et j’ai plaisanté avec eux. Ils criaient de joie quand j’arrivais ; encore maintenant le petit tapait des mains, car il était trop petit pour comprendre la situation. Maintenant ils disparaîtront à jamais et l’image de leur père sera gâchée » [32].

La pensée en images.

Il est encore un argument souvent avancé en faveur de l’autisme d’Einstein : sa propension à penser en images. « Dès ses premiers jours, relate son biographe, la curiosité et l’imagination d’Einstein s’exprimèrent principalement par la pensée visuelle - images mentales et expériences de pensée - plutôt que verbalement. Cela incluait la capacité de visualiser la réalité physique peinte par les coups de pinceau des mathématiques. ’Derrière une formule, il voyait immédiatement le contenu physique, alors que pour nous cela ne restait qu’une formule abstraite’ dit l’un de ses premiers élèves. Planck a proposé le concept des quanta, qu’il considérait principalement comme un artifice mathématique, mais il a fallu Einstein pour comprendre leur réalité physique. Lorentz a proposé des transformations mathématiques décrivant les corps en mouvement, mais il a fallu Einstein pour créer une nouvelle théorie de la relativité basée sur celles-ci » [33]. Son aptitude à penser en images lui permettait de visualiser une représentation nouvelle issue de la conception d’une formule mathématique. Elle témoigne d’une imagination créatrice et d’un talent pour la représentation de notions abstraites.

Penser en images prend une place majeure pour beaucoup d’autistes, mais il s’agit d’un fonctionnement très différent, ancré non dans une puissance de la capacité d’abstraction, mais tout au contraire dans une difficulté avec le faire semblant. Certains signes linguistiques immédiatement compréhensibles pour les non-autistes demandent un apport d’images pour les autistes afin d’être assimilés.

Temple Grandin a décrit ce phénomène avec précision : « Je pense en images. Pour moi les mots sont comme une seconde langue. Je traduis tous les mots, dits ou écrits, en films colorés et sonorisés ; ils défilent dans ma tête comme des cassettes vidéos. Lorsque quelqu’un me parle, ses paroles se transforment immédiatement en images » [34]. Pourquoi beaucoup d’autistes témoignent-ils devoir traduire les mots en images ? « Pour que le langage possède une signification, explique Williams, il faut pouvoir établir un lien entre le langage et ce qu’il désigne » [35]. Gerland confirme : « Lorsqu’on parlait de questions qui n’évoquaient pas d’images dans mon esprit, affirme-t-elle, les mots n’arrivaient pas à atterrir dans ma tête, ils s’envolaient pour se poser ailleurs. Sans doute arrivaient-ils bien, mais seulement comme des mots dont l’intérêt pouvait être leur structure ou leur saveur, qui pouvaient avoir une couleur captivante ou se composer de sons agréables, mais qui, s’ils n’étaient pas imagés, n’offraient aucune signification » [36].

Si le mot ne peut être mis en lien à une perception, pour l’autiste il est bien difficile qu’il prenne sens. D’où leur difficulté souvent remarquée à la compréhension des termes abstraits. Pour saisir le proverbe « Pierre qui roule n’amasse pas mousse », Grandin explique à Sacks « il faut que j’imagine la vidéo d’un rocher qui se débarrasse de sa mousse en dévalant une pente avant de pouvoir penser à ce que ces mots « veulent dire » [37]. « En grandissant, précise-t-elle par ailleurs, j’ai appris à traduire les concepts abstraits en images concrètes pour pouvoir les comprendre » [38]. Le témoignage de Tammet corrobore celui de Grandin. Lui aussi rapporte avoir du mal à comprendre les mots abstraits. « Pour chacun d’eux, affirme-t-il, j’ai une image mentale qui m’aide à les saisir. Par exemple, le mot complexité me fait penser à une tresse ou à une natte – des cheveux innombrables s’organisant en un grand tout complet. […] De même le mot triomphe suscite l’image d’un grand trophée en or, comme ceux que l’on gagne à la fin des compétitions sportives » [39].

Ce qu’on ne peut pas dire à l’enfant autiste, constate Mottron, « on peut le lui montrer » [40]. Il est de règle générale qu’une appropriation de la signification du signe se fasse préférentiellement pour les autistes à partir de l’image, ce dont atteste leur appétence pour les imagiers, les pictogrammes, les représentations d’emplois du temps, les trombinoscopes, etc.

Les images d’Einstein sont des inventions qui surgissent pour expliciter de complexes abstractions mathématiques ; en revanche le penser en images des autistes s’appuie sur des perceptions d’objets déjà-là pour aider à concevoir des notions abstraites immédiatement compréhensibles pour les non autistes. Les premières sont en progrès sur des abstractions obscures, les secondes témoignent d’une difficulté à la saisie d’abstractions du langage courant. La mise en images d’Einstein est un processus temporaire et créateur ; celle de l’autiste est un déchiffrement insistant de notions ordinaires. Einstein fait appel à des images pour tenter d’aller au-delà du semblant ; tandis que l’autiste cherche à faire coller le mot à une chose. Ce dernier peine avec le faire semblant, tandis qu’Einstein s’en affranchit, allant jusqu’à subvertir l’espace-temps de notre intuition quotidienne pour les amalgamer en des formules mathématiques. Là encore une approche différentielle doit s’interroger sur la fonction de phénomènes apparemment semblables afin de ne pas les confondre.

Les intérêts spécifiques et les comportements d’immuabilité.

Les deux passions d’Einstein, la physique et le violon, sont considérées par certains comme des intérêts atypiques par leur intensité et leur fixation conduisant à les assimiler à des intérêts spécifiques autistiques voire à des addictions. La clinique comportementale n’étant pas en mesure de distinguer entre une passion banale et un intérêt spécifique, ce critère manque de pertinence, car, comme le remarque Lieber, « quel homme, fût-il même un génie, parvient à de remarquables réalisations sans une passion dévorante et un travail soutenu dans le domaine de sa réalisation ? » [41]. Qu’est-ce qui permettrait d’affirmer qu’il s’agit d’une « concentration excessive » [42] sur une activité ? Rien d’autre qu’une référence implicite de la clinique des DSM à un homme normal impossible à définir. Cet homme moyen n’existe pas, souligne Lacan, « ce n’est qu’une fiction statistique. Il existe des individus, c’est tout. Quand j’entends parler d’homme de la rue, d’enquêtes doxa, de phénomènes de masse et de choses de ce genre je pense à tous les patients que j’ai vu passer sur le divan en quarante années d’écoute. Aucun, en quelque mesure, n’est semblable à l’autre, aucun n’a les mêmes phobies, les mêmes angoisses, la même façon de raconter, la même peur de ne pas comprendre. L’homme moyen, qui est-ce ? » [43].

Une approche comportementale ne peut distinguer une passion ordinaire d’un intérêt spécifique autistique. Toutefois, si l’on s’attache à la fonction de ce dernier, il devient possible d’en avoir une approche plus précise. Le monde initialement chaotique dans lequel se trouve le sujet autiste l’incite à y isoler des cohérences locales pour s’y repérer et se rassurer, c’est ce que l’on nomme ses comportements d’immuabilité, dégagés par Kanner comme une composante majeure du syndrome. L’intérêt spécifique en est une extension, c’est une forme de cohérence locale, non plus arbitraire, mais puisée à un savoir déjà-là, dans un domaine circonscrit, dont l’autiste tend à devenir un expert. Il semble que l’on puisse en déduire qu’une érudition locale implique deux conditions préalables pour être caractérisée comme un intérêt spécifique autistique, d’une part un sujet initialement plongé dans un monde chaotique, d’autre part, une première tentative pour y remédier, les conduites d’immuabilité. Ces dernières furent-elles décrites dans le comportement d’Einstein ? Il avait certes, comme tout un chacun, quelques habitudes, par exemple à Princeton des promenades réglées, mais aucun de ses biographes ne rapporte de ces bizarreries hors-discours que sont les comportements d’immuabilité. Tous notent au contraire des attitudes assez opposées, on évoque dans sa jeunesse « une vie de bohême », tandis qu’il affirmait ne pas donner d’importance à l’endroit où il s’installait, se qualifiant de « parfait déraciné » [44], considérant que son idéal était « d’être chez soi n’importe où » [45]. Son non-conformisme se serait mal accommodé de la rigidité de comportements d’immuabilité.

D’autre part, Einstein est-il né, comme la plupart des autistes, dans un monde chaotique, l’incitant fortement à y chercher des ordonnancements locaux ? Fut-il plongé dans ce chaos initial que Gerland décrit ainsi : « J’avais toujours l’impression que quelque chose m’échappait. Ce sentiment était éternel et me suivait partout. Même quand je comprenais en grande partie, il manquait toujours un élément : le rapport même entre toutes choses… Je pensais et réfléchissais, je déployais effort sur effort. Le monde était une énigme fantasque, les événements ne faisaient qu’apparaître tout à coup. Comment donc ? Pourquoi ? Parfois cela s’embrouillait tellement que je n’arrivais même plus à démêler l’écheveau. Je replongeais donc en moi. Ne connaissant ni la question ni la réponse, je ne pouvais me confier à personne » [46]. Grandin confirme que les enfants autistes vivent dans « un monde étrange », de sorte qu’ils ont des « réactions inhabituelles face à [un] monde qu’ils essaient désespérément de rendre cohérent » [47]. Un souvenir d’enfance, considéré par Einstein lui-même comme particulièrement marquant, révèle que son monde n’était pas une énigme fantasque et inquiétante. Vers l’âge de quatre ou cinq ans, il fut émerveillé par une boussole que lui avait apporté son père. Elle ouvrait sur un au-delà de la réalité physique immédiate. Il souligna que l’aiguille aimantée fit sur lui « une impression profonde et durable » [48] Il en tira la conclusion que « quelque chose de profondément caché devait nécessairement se situer derrière les choses » [49]. La boussole le confronta à un mystère, non pas déstabilisant, comme celui de l’autiste, mais bien au contraire fascinant. Plus tard, Einstein confirma : « l’expérience du mystérieux est la plus belle que l’on peut faire » [50]. Le monde du petit Einstein n’est pas un chaos incompréhensible, mais un monde régi par un ordre mystérieux. « Ce qu’il y a de plus incompréhensible au monde, constata-t-il, c’est que le monde est compréhensible » [51]. Très tôt il eut l’intuition que l’ordre caché du monde était régi par des lois qu’il était en mesure de découvrir par lui-même. Âgé de douze ans, il fut capable d’inventer une démonstration originale du théorème de Pythagore, « je fus saisi d’enthousiasme, commente-t-il, de voir qu’il était possible de conclure à la vérité par le seul fait d’un raisonnement, sans l’aide de quelque expérience extérieure ». [52] Einstein ne souffre pas du mystère qu’il discerne caché dans le monde des choses, bien au contraire cela le fascine, et l’incite à en découvrir les lois. Très différent est le positionnement de l’autiste, non seulement le mystère du monde l’inquiète, mais à son égard il se sent démuni : sa solution n’est pas d’en découvrir par lui-même les lois, mais de demander aux autres de les lui communiquer. Gerland confie avoir longtemps cherché « une unique règle générale s’appliquant à tous les domaines » [53]. Williams demanda à l’un de ses thérapeutes de lui donner « des règles absolues » [54]. Sellin affirme « moi-même je désire des valeurs plus qu’absolues » [55] Faute de posséder ces règles, l’autiste tend, non à les découvrir par son travail, mais à en forger de lui-même, ce que l’on appelle les comportements d’immuabilité. Il s’agit de règles arbitraires, coupées du lien social, ce qui n’est le cas des recherches d’Einstein ancrées dans l’histoire des mathématiques et de la physique.

Notons que la boussole qui a marqué sa petite enfance ne possédait pas les caractéristiques d’un objet autistique : il n’a pas eu besoin de l’emmener partout avec lui pour se protéger des autres et pour réguler sa vie affective. Rien n’indique qu’il ait eu recours à un tel objet si souvent rencontré chez les enfants autistes et qui persiste parfois même jusque dans leur vie adulte.

Un rebelle et un anti-conformiste.

Tous les biographes d’Einstein mettent en avant sa propension à la rébellion, son « mépris des maîtres à penser » [56], son indépendance d’esprit, et sa suspicion à l’égard de toutes formes d’autorité. La discipline militaire des écoles allemandes lui fut particulièrement déplaisante : « les enseignants de l’école élémentaire, confia-t-il, me paraissaient être des sergents instructeurs, et ceux du lycée des lieutenants » [57]. Ses professeurs le considérèrent souvent comme insolent. L’un d’entre eux lui fit savoir que cette attitude le rendait indésirable en classe. Lorsque Einstein objecta en disant qu’il n’avait pas commis de faute, le professeur répondit : « Oui, c’est vrai, mais vous êtes assis là au dernier rang et souriez, et votre simple présence gâche le respect de la classe à mon égard’ [58]. Sur ce point, son positionnement subjectif est radicalement opposé à celui de l’autiste : ce dernier s’appuie volontiers sur des modèles pour s’orienter, tandis qu’il est foncièrement, non pas rebelle, mais conformiste. La souffrance de l’autiste plongé dans un monde chaotique l’incite, non seulement à inventer des règles arbitraires, mais aussi à s’accrocher aux quelques régularités qu’il parvient malgré tout à y saisir. « Pour les autistes, explique Grandin, les règlements sont très importants, car nous devons toujours nous concentrer intensément sur la façon de faire les choses ». Elle constate que le fait d’avoir toujours « considéré les règlements avec le plus grand sérieux » a eu une conséquence radicalement opposée à l’insolence d’Einstein, car elle a « ainsi gagné la confiance de ses professeurs » [59]. Son témoignage d’enfant sage est largement corroboré par d’autres autistes. « Lorsque mes parents m’expliquaient que telle chose était une règle, rapporte l’un d’eux, je m’y pliais volontiers » [60]. « Il ne me serait jamais venu à l’idée de tricher, confie Gerland, car je suivais toujours les règles qui m’étaient imposées si elles n’étaient pas contradictoires avec mes besoins élémentaires » [61]. La règle est si précieuse pour l’autiste que son respect peut aller jusqu’à l’absurde et à la soumission à des maltraitances. Lorsque Gerland entra à l’école primaire, les garçons vinrent lui dire : « Tu auras une raclée par jour ». « Je trouvais là que c’était une drôle de règle, rapporte-t-elle, mais je m’inclinais. Car à l’école, il se passait bien des choses que je ne comprenais pas et auxquelles il fallait seulement se résigner. Les garçons m’avaient demandé de les suivre aux toilettes qui se trouvaient au sous-sol, avec accès direct depuis la cour. Là, je recevais chaque jour un coup de poing à l’estomac, un seul la plupart du temps. Ce n’était peut-être pas si drôle que cela de me frapper, étant donné que mon seuil de douleur était très élevé et que lorsqu’on me faisait mal, je n’en laissais jamais rien paraître […] Ils m’avaient frappé tous les jours jusqu’à ce qu’on vienne raconter cela à la maîtresse. Cela ne m’enchantait pas : elle n’avait pas à s’occuper de moi et je trouvais cela offensant. Il devenait maintenant notoire que j’avais été en quelque sorte bernée, et je me sentais idiote. Car j’avais été moi-même chercher les garçons au cas où ils sembleraient avoir oublié un jour de me frapper. J’avais cru qu’il devait en être ainsi » [62]. On conçoit dès lors que ce n’est pas par malveillance que les autistes dénoncent volontiers leurs camarades qui bavardent pendant les cours ou qui trichent pendant les contrôles. « Ce n’est pas parce qu’ils ne les aiment pas ou qu’ils veulent être méchants avec eux. Il s’agit, souligne Schovanec, d’une simple application de la règle. La meilleure preuve en est que la même chose vaut pour la maîtresse et les profs : lorsque le prof fait une erreur, il a droit à une correction aussi sévère que celle qui vaut pour les camarades de classe » [63]. Tout cela bien entendu n’est pas très approprié socialement et ne manque pas de leur attirer quelques déboires. Que les autistes se détournent des jeux informels pour leur préférer des jeux à règles révèle encore combien la quête d’un monde ordonné est importante pour eux.

L’autiste est en attente de règles, il cherche à s’adapter pour ne pas être remarqué. On s’accorde aujourd’hui à considérer qu’un comportement de « camouflage social » consistant à « revêtir sa meilleure panoplie de normalité » est fréquent chez les autistes d’Asperger. Il inclut une combinaison de techniques de masquage et de compensation épuisantes à soutenir. Dans certains cas cela peut aller jusqu’à endosser un personnage tout à fait différent. Quelques autistes comparent cela à une comédie ou à jouer un rôle. Ces comportements sont motivés par une volonté « d’assimilation et de connexion ». Ils conduisent à des attitudes conformistes, puisque, pour une grande part, ils se produisent « en réponse aux demandes extérieures qui s’imposent [aux sujets] vis-à-vis de comment une personne devrait se comporter en société » [64]. Ce camouflage conformiste associé à un attachement aux règles établies conduit l’autiste à être respectueux de l’autorité. Certes il arrive qu’il se rebelle quand on lui fait du tort, il peut s’indigner de la situation faite aux autistes ; mais ce sont des attitudes ponctuelles, elles ne témoignent pas d’un rapport insistant de suspicion à l’égard du savoir de l’Autre. En revanche la rébellion d’Einstein ne le quitta jamais, il la porta même jusqu’au cœur de la physique de son temps. Elle n’est pas à situer en rapport à une mise en cause d’un quelconque ordre du monde, « Dieu ne joue pas aux dés », elle apparaît bien plutôt l’indice d’un désir foncièrement insatisfait. Celui de l’autiste est d’un autre ordre : retenu par les contraintes de son bord et par le gel initial du S1. L’Autre d’Einstein n’est ni malveillant, ni chaotique : c’est un Autre réglé, déterminé par des lois à déchiffrer. Il s’employait à le faire pour satisfaire l’une de ses passions : montrer aux Maîtres, avec une certaine insolence, les limites de leur savoir. Ces derniers le discernèrent si bien qu’ils firent longtemps obstacle à son recrutement à l’Université.

Selon l’un de ses meilleurs biographes, le plus important aspect de la personnalité d’Einstein fut peut-être sa volonté d’être un non-conformiste [65]. Celle-ci se manifestait jusque dans sa manière de se présenter. « Son apparence légèrement échevelée, selon ce biographe, était en partie une affirmation de sa simplicité et en partie un léger acte de rébellion » [66]. En voulant tirer Einstein vers « une forme peu sévère d’autisme », Grandin donne de son apparence une interprétation très différente. « Les vêtements et la coiffure d’Einstein sont typiques des adultes à tendance autistique, affirme-t-elle, la plupart d’entre eux se soucient assez peu des subtilités sociales et du rang hiérarchique. Lorsqu’il travaillait au bureau des inventions, Einstein gardait parfois ses chaussons verts à fleurs. Il refusait de porter un costume et une cravate à une époque où tous les professeurs devaient soigner leur tenue. Je ne serais donc pas étonnée, ajoute-t-elle, que son aversion pour les vêtements chics ait une origine sensorielle » [67]. Certes, le comportement vestimentaire d’Einstein présentait des points communs avec celui de certains autistes, l’explication donnée par son biographe, en n’en faisant qu’un trait parmi d’autres de son non-conformisme, apparaît plausible, car confirmée par d’autres données, et elle l’écarte du fonctionnement autistique. En revanche, pour le ranger parmi les autistes, Grandin est conduite à faire l’hypothèse de troubles sensoriels cachés, dont il est justement remarquable qu’Einstein n’ait jamais fait état. D’un comportement semblable à celui de certains autistes, il n’est en l’occurrence possible de faire argument diagnostique en faveur de l’autisme qu’en méconnaissant le sens le plus probable de celui-ci, et en introduisant de surcroît une hypothèse que rien n’étaie.

Le contraste entre la foncière rébellion d’Einstein, non conformiste revendiqué, et la pente au conformisme de l’autiste, si attaché aux règles, si peu porté à les interroger, est une donnée clinique clairement discriminante entre l’un et l’autre, pourtant cette notion majeure échappe totalement à la grille du DSM-5.

La rébellion s’accompagne volontiers d’une grande confiance en soi. À l’encontre de beaucoup d’autistes, surtout dans leur enfance, Einstein n’en manquait pas. Un de ses professeurs de physique à l’Ecole Polytechnique de Zurich lui dit : tu es « un garçon extrêmement intelligent. Mais tu as un grand défaut : tu n’acceptes pas qu’on te dise quoique ce soit » [68]. Par ailleurs il n’hésita pas à prendre la difficile décision de se marier avec Mileva Maric contre l’avis de sa famille. Ajoutons qu’il n’avait guère de doute sur sa tenue phallique : « Je vous assure catégoriquement, écrivit-il à Elsa, avant qu’elle ne devienne sa seconde femme, que je me considère comme un mâle à part entière. Peut-être aurai-je un jour l’occasion de vous le prouver’ [69]

Une mauvaise mémoire.

Le non-conformisme n’incite pas à l’apprentissage par cœur, de sorte qu’Einstein avait horreur de celui-ci. « Je préférais subir toutes sortes de punitions, rapporta-t-il, plutôt que d’apprendre à débiter du par cœur » [70]. Se bourrer la cervelle lui apparaissait particulièrement « négatif » [71]. Dès lors, refusant cet exercice, lorsqu’il était à l’école, son « manque de mémoire » fut sa « grande faiblesse » [72]. Plus tard, à 52 ans, il constate avoir quelques difficultés avec l’apprentissage de l’anglais qui « ne veut pas rester dans [son] vieux cerveau » [73]. Or la plupart des autistes constatent, comme Williams, que leur « mémoire était source de grands plaisirs, elle était excellente, ajoute-t-elle, parfois parfaite jusque dans ses moindres détails » [74], il arrive même que des autistes tels que Tammet ou Cherechevsky soient capables de mémorisations exceptionnelles. Kanner avait noté d’emblée leur « excellente mémoire pour des événements antérieurs de plusieurs années, leur phénoménale mémoire de routine pour des poèmes et des noms, et leur souvenir précis de modèles et de séquences complexes » [75]. Cette excellente mémoire est une caractéristique du fonctionnement autistique car celui-ci s’accompagne régulièrement d’une stimulation des capacités mnémoniques en raison d’une entrée originale dans la langue. Elle emprunte deux voies, dans l’une les autistes soliloquent, inventent des langues privées néologiques, s’avèrent « plutôt verbeux » [76], selon Lacan, et restent dans le hors-discours ; dans l’autre, ils sont très précis, utilisant ce que Williams nomme une langue « d’accumulation de faits » [77], avec laquelle ils cherchent à communiquer. La langue verbeuse se compose essentiellement de S1 tout seuls, tandis que la langue factuelle est ancrée dans le signe. Ce dernier, selon Lacan, « représente quelque chose pour quelqu’un » [78], il colle à la chose désignée, à la différence du signifiant qui se détache de la chose. Kanner avait noté d’emblée chez l’autiste que certains mots ne parvenaient pas à décoller de la situation d’apprentissage. Il en résulte, selon lui, que ’le sens d’un mot devient inflexible et ne peut être utilisé avec n’importe quoi, mais seulement avec la connexion originairement acquise, par exemple un bol ne sera ’bol’ que dans un endroit ou une situation donnée avec une couleur précise. La défaillance contextuelle incite l’enfant autiste à appréhender la signification du mot, non pas en la situant dans des champs d’oppositions signifiantes, mais en la connectant de manière assez rigide à l’objet désigné. ’Le signe linguistique, insiste Berquez, n’est pas distinct du référent matériel, le signe est la chose même, il n’y a pas d’espace entre le signe et la réalité, entre la représentation et la chose représentée, il y a pour l’enfant autistique adéquation totale entre le signe et la chose. Ce n’est pas comme le dit Kanner, un sens métaphorique que le signe acquiert au niveau du langage de l’enfant autistique, mais au contraire un sens fixe et arbitraire’ [79]. Toute modification du rapport chose/signe est ressentie par les enfants autistes comme une menace pour leur propre sécurité.

Le phénomène s’atténue quand l’autiste progresse sur le spectre, mais il subsiste toujours quelque chose de son affinité avec une langue de signes. Nazeer l’exprime quand il note que pour l’autiste la langue idéale serait « un sens/un mot » [80], c’est-à-dire une langue qui se réduirait à un code. Afin de s’adapter à la désignation d’objets et de situations différentes, une telle langue de signes est contrainte à une production incessante de mots et d’expressions nouvelles. Ainsi un enfant autiste utilisait de multiples signes pour se référer à sa bicyclette, il pouvait tantôt la nommer ainsi, tantôt la dire « un tracteur », « des roues dans la boue », « des roues dans l’herbe », ou des « petits pieds sur les pédales ». « Tout le monde trouvait cela très créatif, commente sa mère, mais j’avais des doutes, je pensais qu’il ne pouvait pas faire autrement. Lorsque je lui disais : « Va faire un tour à bicyclette », il ne comprenait pas, car à ce moment-là, il ne voyait que les « petits pieds sur les pédales ». Pour lui le mot bicyclette n’avait pas encore de signification généralisée » [81]. La persistance d’un lien du signe à la situation d’apprentissage génère une prolifération de mots qui collent à la chose impliquant un important travail de mémorisation. Qui plus est, quand il progresse sur le spectre, l’autiste peut parvenir à hausser le signe jusqu’au concept, en mémorisant toutes les images propres à être regroupées sous un même signe. « Par exemple, rapporte Grandin, le concept de chien est inextricablement lié à chacun des chiens que j’ai connus dans ma vie. C’est comme si j’avais un fichier avec la photographie de tous les chiens que j’ai vus, et il ne cesse de s’enrichir au fur et à mesure que j’ajoute de nouveaux exemples dans ma vidéothèque. Si je pense au danois, le premier souvenir qui apparaît dans ma tête est celui de Dansk, le chien du directeur de mon lycée. Le deuxième danois que je vois est Helga, qui a succédé à Dansk. Le troisième est le chien de ma tante dans l’Arizona. La dernière image est celle d’une publicité pour des housses de siège de voiture où l’on voit un chien de cette espèce. Mes souvenirs se présentent toujours dans l’ordre chronologique, et les images sont toujours particulières. Je n’ai pas d’image générique du danois » [82]. En restant collé à une ou plusieurs choses, le signe implique un intense travail de mémorisation, ce dernier est moindre pour qui est capable de mobiliser les capacités d’abstraction du signifiant décollées de la situation d’apprentissage. Le primat donné par l’autiste à une langue de signes pour communiquer génère une difficulté avec le faire semblant et conduit au constat d’Asperger selon lequel ils apprennent « tout par l’intellect » et « les tâches journalières comme des devoirs d’école » [83]. Il est propre au fonctionnement autistique de produire une stimulation de la mémoire générant dans certains cas des aptitudes exceptionnelles. Dès lors le rejet du par cœur et la mauvaise mémoire d’Einstein, associées à de remarquables capacités d’abstraction, incitent fortement à le différencier d’un autiste.

Le primat du signe dans la langue « d’accumulations de faits », initialement utilisée par l’autiste pour communiquer, génère non seulement une entrave à la capacité de faire semblant, mais aussi à l’une de ses modalités, à savoir l’élaboration du mensonge. La plupart des autistes font état de leurs difficultés à mentir. « Je suis très anxieuse, témoigne Grandin, quand je dois improviser un petit mensonge sans gravité. Pour pouvoir tricher un tout petit peu, il faut que je répète plusieurs fois le mensonge dans ma tête. Je fais des simulations mentales et j’imagine tout ce que mon interlocuteur peut me demander. S’il me pose une question que je n’ai pas prévue, je panique. Tromper quelqu’un dans une situation d’interaction m’est très difficile si je n’ai pas prévu toutes les réponses possibles. Le fait de mentir fait naître l’anxiété, car il faut interpréter rapidement des indices sociaux subtils pour savoir si l’autre est vraiment dupe » [84]. Or dans sa jeunesse, Einstein a dû faire un certain nombre de mensonges pour cacher à sa famille et à ses amis que Mileva était enceinte avant qu’ils ne soient mariés, et qu’elle donna naissance en 1902 à une enfant, nommée Lieserl [85], sans doute morte prématurément, dont l’existence resta secrète, n’étant révélée qu’en 1966. Einstein n’était pas encombré par le poids du signe générant une entrave du faire semblant.

Certes, il a présenté précocement de légers troubles du langage non persistants, il a eu très tôt une passion pour la physique, mais il fut principalement un rebelle non conformiste, doté d’une mauvaise mémoire, dont la solitude était peuplée d’amis, et s’accompagnait d’une riche vie sentimentale, tandis que son existence ne fut nullement entravée par des difficultés dans les interactions sociales. Tout cela n’oriente guère vers l’hypothèse de l’autisme.

Un diagnostic sans rigueur.

Tournons-nous alors vers une approche plus classique de la démarche diagnostique. Dans le DSM-5 la définition de l’autisme s’appuie sur deux caractéristiques distinctes, ayant une faible corrélation entre elles, un déficit de la communication et des interactions sociales, et la présence de comportements stéréotypés et d’intérêts restreints. Valider le premier d’entre eux implique de cocher les trois items suivants : déficit de la réciprocité socio-émotionnelle, déficits des comportements de communication utilisés pour les interactions sociales et déficit du développement, du maintien et de la compréhension des relations humaines. Quand bien même considèrerait-on que ces trois déficits seraient légèrement discernables chez Einstein, la plupart des cliniciens ayant une pratique de l’autisme estimeraient sans doute qu’ils n’atteignent pas un niveau « cliniquement significatif », expression utilisée dans le DSM-5 pour dénoter la subsistance d’une part d’arbitraire dans le jugement clinique du cotateur, puisqu’aucun des signes ne comporte un seuil. Quant à la présence de comportements stéréotypés et d’intérêts restreints, elle nécessite pour être validée de coter deux des quatre items suivants : la présence de stéréotypies corporelles, langagières ou centrées sur des objets, des comportements d’immuabilité, des intérêts restreints ou atypiques pour leur intensité et leur fixation, et des phénomènes d’hyper ou d’hypo réactivité à des informations sensorielles. L’un de ces quatre items pourrait à la rigueur être validé, si l’on considère les passions d’Einstein pour le violon et la physique comme relevant d’intérêts restreints, mais quant aux trois autres il faudrait une interprétation extrêmement large du « cliniquement significatif » pour les cocher. Une approche comportementale bénéficiant de la rigueur minimale d’un clinicien de l’autisme devrait écarter Einstein de ce diagnostic.

Quand on choisit d’identifier l’autisme en décomposant la découverte de Kanner en items à comptabiliser, on se trouve contraint de recourir à beaucoup de choix arbitraires, l’un porte sur le nombre d’items positifs considérés comme probants, l’autre sur la signification clinique suffisante de chaque item. Quel est le degré de solitude ou d’immuabilité permettant de cocher la case ? Doit-on conclure du constat d’une passion à la présence d’un intérêt spécifique ? Aucun des signes cliniques du DSM-5 concernant l’autisme ne possède un seuil, de sorte que tous reposent sur une appréciation floue du « cliniquement significatif ». Au terme il en résulte une grande indétermination dans toute approche de l’autisme quand elle se fonde sur le recueil de traits de comportement.

En revanche, l’approche structurale cherche des mécanismes qui ne sont pas immédiatement saisissables, elle se situe dans la droite ligne de « l’enseignement freudien », lequel, selon Lacan, « tout à fait conforme à ce qui se produit dans le reste du domaine scientifique […] fait intervenir des ressorts qui sont au-delà de l’expérience immédiate, et ne peuvent nullement être saisis de façon sensible. Là, comme en physique, ce n’est pas la couleur que nous retenons, dans son caractère senti et différencié par l’expérience directe, c’est quelque chose qui est derrière et qui la conditionne » [86]. L’orientation sur la structure subjective permet de se dégager d’une approche fondée sur la saisie directe de traits comportementaux traités de manière comptable et arbitraire. Elle rend possible une discrimination entre divers fonctionnements subjectifs dont le repérage possède une importance majeure quant à la prise en charge.

Pour appréhender l’autisme, l’approche psychanalytique lacanienne s’appuie sur trois notions essentielles : le retour de la jouissance sur un bord, souligné par E. Laurent, le quelque chose qui se gèle, indiqué par Lacan, et le statut natif du sujet, noté par J-A Miller. Or, bien qu’elles soient apparemment disparates, ces notions trouvent à s’intégrer dans l’hypothèse du gel du S1 [87], si l’on conçoit que ce gel opère par un déplacement du S1 dans un élément du bord, faisant alors de celui-ci tantôt le porte-parole du sujet, tantôt la source de son énergie, tantôt encore l’interprète ou le régulateur de sa jouissance. Le statut natif du sujet, J-A Miller l’indique à l’occasion du mathème qu’il propose de l’autisme [88], est à rapporter à l’éparpillement et à l’itération du S1 tout seul. Or cette itération n’opère, comme il le note, que parce qu’elle est lestée par un mystérieux « algorithme », dont la nature se précise quand on constate que le S1 est gelé par sa localisation dans un objet. De l’éparpillement du S1 se traduit un chaos du monde, et de son gel se déduit un déficit de son incorporation dont témoigne cliniquement la difficulté initiale à prendre une position d’énonciation, la coupure à l’égard des affects, et la difficulté à interpréter les ressentis corporels, générant des phénomènes d’hypo- et d’hypersensibilité. Du gel du S1, et des phénomènes articulés au retour de la jouissance de l’autiste sur un bord, caractéristiques de la structure autistique, nous avons essayé de le montrer, rien ne se discerne de manière probante dans les éléments biographiques dont nous disposons concernant Einstein.

Dans une excellente thèse de médecine soutenue en 2014 sur « Le diagnostic rétrospectif de syndrome d’Asperger dans les cas d’Albert Einstein et de Glenn Gould », Guillaume Lieber constate que l’attractivité du syndrome incite aujourd’hui à l’appréhender à partir d’une « définition multiple et vague permettant un recrutement large » [89]. Il en résulte que les auteurs qui militent pour celle-ci utilisent des critères flous. Ils opèrent, note-t-il, « un panachage de plusieurs échelles et lorsqu’un critère vient à manquer dans une échelle, la pertinence de ce critère est discutée ou une autre échelle lui est substituée. Les auteurs ne satisfont même pas à la logique classificatoire qu’ils appliquent. On a plutôt l’impression d’assister à un raisonnement circulaire, où la conviction qu’il s’agit d’un syndrome d’Asperger est première, et plutôt que des preuves, ils alignent des éléments hétéroclites de grilles diagnostiques comme autant d’arguments » [90].


[1James I. Singular scientists. J R Soc Med. 2003 Jan, 96(1) : 36–39. doi : 10.1258/jrsm.96.1.36

[2Grandin T. Penser en images. [1995] O.Jacob. Paris. 1997, pp. 211-214.

[3Maleval J-C. Syndrome d’Asperger ou psychose ordinaire ? L’exemple de Glenn Gould, in Conversations psychanalytiques avec des psychotiques ordinaires et extraordinaires. Erès. Toulouse. 2022, pp. 49-72.

[4Tammet D. Embrasser le ciel immense. Le cerveau des génies. Les arènes. 2009, p. 34.

[5Tammet D. Je suis né un jour bleu. [2006] Les Arènes. Paris. 2007.

[6Hoffmann B. (avec la collaboration d’H. Dukas). Albert Einstein créateur et rebelle. [1972] Seuil. Paris. 1975, p. 21.

[7Ibid., p. 20.

[8{{}}Kanner L. Troubles autistiques du contact affectif [1943] in Berquez G. L’autisme infantile. PUF. Paris. 1983, p 253.

[9Isaacson W. Einstein. His life and Universe. Pocket Books. 2008, p. 16.

[10Ibid., p. 8.

[11Hofmann B. Albert Einstein créateur et rebelle, o.c., p. 21.

[12Isaacson W. Einstein. His life and Universe, o.c., p. 9.

[13Ibid., p. 9.

[14American Psychiatric Association. DSM-5. Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. Paris. Masson. 2015.

[15Ibid., p. 439.

[16Ibid., p. 274.

[17Ibid., p. 424.

[18Robison J.H. Regardez-moi dans les yeux. [2007] City. 2017, p. 250.

[19Higashida N. Sais-tu pourquoi je saute ? Les Arènes. 2014, p. 59.

[20Ibid., p. 53.

[21Isaacson W. Einstein. His life and Universe, o.c., p. 360.

[22Ibid., p. 28.

[23Ibid., p. 173.

[24Ibid., pp. 360-362.

[25Ibid., p. 530.

[26Williams D. Si on me touche, je n’existe plus. Le témoignage exceptionnel d’une jeune autiste. Robert Laffont. Paris.1992, p. 294.

[27Williams D. Si on me touche, je n’existe plus, o.c., p. 293

[28Williams D. Quelqu’un, quelque part. J’ai Lu. Paris. 1996, p. 263.

[29Sellin B. Une âme prisonnière. [1993] R. Laffont. Paris. 1994, p. 102.

[30March J. La fille pas sympa. La vie chaotique et turbulente d’une jeune autiste Asperger. Seramis/Movie Planet. 2018, p. 214.

[31Asperger H. Les psychopathes autistiques pendant l’enfance. [1944]. Institut synthelabo pour le progrès de la connaissance. Le Plessis-Robinson. 1998, p. 122.

[32Isaacson W. Einstein. His life and Universe, o.c., p. 187.

[33Ibid., p. 549.

[34Grandin T. Penser en images, o.c., p. 19.

[35Williams D. Si on me touche, je n’existe plus, o.c., p. 297.

[36Gerland G. Une personne à part entière. Autisme France Diffusion. Mougins. 2004, p. 25.

[37Sacks O. Un Anthropologue sur Mars [1995]. Seuil. 1996, p. 369.

[38Grandin T. Penser en images, o.c., p. 35.

[39Tammet D. Je suis né un jour bleu [2006] Les Arènes. Paris. 2006, p. 172.

[40Mottron L. L’intervention précoce pour enfants autistes. Nouveaux principes pour soutenir une autre intelligence. Mardaga. Bruxelles. 2016, p. 213.

[41Lieber G. Le diagnostic rétrospectif de syndrome d’Asperger dans les cas d’Albert Einstein et de Glenn Gould. Thèse de médecine. Université de Poitiers. 2014, p. 47.

[42Ledgin N. Ces autistes qui changent le monde.[2002] Salvator. Paris. 2008, p. 85.

[43Lacan J. Sur la crise de la psychanalyse, entretien avec Emilia Granzotto (1974). Magazine Littéraire. Février 2004, n° 428.

[44Isaacson W. Einstein. His life and Universe, o.c., p. 40

[45Hofmann B. Albert Einstein créateur et rebelle, o.c., p. 150.

[46Gerland G. Une personne à part entière, o.c., p. 21.

[47Grandin T. Ma vie d’autiste, o.c.,, p. 31.

[48Hofmann B. Albert Einstein créateur et rebelle, o.c., p. 17.

[49Isaacson W. Einstein. His life and Universe, o.c., p. 13.

[50Hofmann B. Albert Einstein créateur et rebelle, o.c., p. 271.

[51Ibid., p. 24.

[52Isaacson W. Einstein. His life and Universe, o.c., p. 17.

[53Gerland G. Une personne à part entière, o.c., p. 138.

[54Williams D. Quelqu’un, quelque part, o.c., p. 91.

[55Sellin B. La solitude du déserteur. Un autiste raconte son combat pour rejoindre notre monde. Robert Laffont. Paris. 1994, p. 156.

[56Hofmann B. Albert Einstein créateur et rebelle, o.c., p. 32.

[57Isaacson W. Einstein. His life and Universe, o.c., p. 21.

[58Ibid., p. 22.

[59Grandin T. Penser en images, o.c., p. 119.

[60Ouellette A. Musique autiste. Vivre et composer avec le syndrome d’Asperger. Tryptique. Montréal. 2011, p. 67.

[61Gerland G. Une personne à part entière, o.c., p. 89.

[62Ibid ., p. 88.

[63Schovanec J. Je suis à l’Est Plon. Paris. 2012, p. 100.

[64Hull L. Petrides K.V. Allison C. Smith P. Baron-Cohen S. Lai M-C. Mandy W. « Revêtir ma meilleure panoplie de normalité » : camouflage social chez les adultes présentant une condition de spectre autistique. [2017] Traduction Jérôme Alain Lapasset et Marie Blesbois. A.N.A.E., 2017, 150, 635-653.

[65Isaacson W. Einstein. His life and Universe, o.c., p. 510

[66Ibid., p. 427.

[67Grandin T. Penser en images, o.c., p. 213.

[68Isaacson W. Einstein. His life and Universe, o.c, p. 34.

[69Ibid., p. 173.

[70Hofmann B. Albert Einstein créateur et rebelle, o.c., p. 33.

[71Ibid., p. 39.

[72Ibid., p. 25.

[73Isaacson W. Einstein. His life and Universe, o.c., p. 394.

[74Williams D. Quelqu’un, quelque part, o.c., p. 72.

[75Kanner L. Troubles autistiques du contact affectif [1943] in Berquez G. L’autisme infantile, o.c., p. 261.

[76Lacan J. Conférence à Genève sur Le symptôme [4 octobre 1975]. La Cause du désir. 2017, 95, pp. 7-24.

[77Williams D. Quelqu’un, quelque part, o. c., p. 169.

[78Lacan J. L’identification. Le Séminaire. Livre IX. Séminaire inédit du 6 décembre 1961.

[79Berquez G. L’autisme infantile, o.c., p. 123.

[80Nazeer K. Laissez entrer les idiots. Oh Editions. Paris. 2006, p. 26.

[81De Clercq H. Dis maman, c’est un homme ou un animal ? Autisme France Diffusion. Mougins. 2005, p. 22

[82Grandin T. Penser en images, o.c., p. 29.

[83Asperger H. Les psychopathes autistiques pendant l’enfance, o.c., p. 86.

[84Grandin T. Penser en images, o.c., p. 158.

[85Isaacson W. Einstein. His life and Universe, o.c., p. 75.

[86Lacan J. Les psychoses. Le Séminaire III. Seuil. Paris. 1981, p. 16.

[87Maleval J-C. La différence autistique. Presses Universitaires de Vincennes. 2021, pp. 176-202.

[88Miller J-A. Préface, in Maleval J-C. La différence autistique, o.c., p. 13.

[89Lieber G. Le diagnostic rétrospectif de syndrome d’Asperger dans les cas d’Albert Einstein et de Glenn Gould, o.c., p. 55.

[90Ibid., p. 47.