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Pourquoi l’autisme n’est-il plus une psychose ?

samedi 5 octobre 2013, par Jean-Claude Maleval

Résumé : Bien que l’autisme ait longtemps été considéré comme une psychose, beaucoup de cliniciens mettent aujourd’hui l’accent sur des éléments de clinique différentielle : absence de délire et d’hallucinations verbales, volonté d’immuabilité, absence de déclenchement, spécificité des productions écrites, et surtout évolution de l’autisme vers l’autisme (du syndrome de Kanner au syndrome d’Asperger). Dès lors, l’autisme peut être considéré comme un fonctionnement subjectif spécifique, caractérisé par une rétention des objets pulsionnels, particulièrement discernable en ce qui concerne la voix, et par un retour de la jouissance sur un bord dynamique. Ce dernier est constitué de trois éléments souvent intriqués : l’objet autistique, le double et l’intérêt spécifique. Prendre appui sur eux pour conduire la cure en s’orientant sur la dynamique subjective est essentiel.

L’autisme n’est plus une psychose. Cette opinion est parvenue à s’imposer dans la littérature internationale à partir d’un processus qui prend ses racines dans le vote en 1975 par le Congrès américain du Development Disabilities Act. Il instaure la reconnaissance officielle de l’existence d’incapacités liées au développement (parmi lesquelles sont cités ensemble : l’autisme, l’épilepsie, le retard mental et les infirmités motrices cérébrales) et la proclamation de la nécessité de prises en charge spécifiques [1]. En 1980, dans le DSM-III, l’autisme devient un « Trouble global du développement » et six ans plus tard dans le DSM-III-R son inscription s’affirme dans les Troubles devenus « envahissants » du développement. Il n’a fallu que quelques dizaines d’années pour que des associations de parents, mais aussi des associations savantes de psychiatres et de psychologues, ainsi que des chercheurs en sciences cognitives cessent de considérer l’autisme comme une psychose. Certes la Classification Française des Troubles mentaux de l’enfant et de l’adolescent (CFTMEA) fait de la résistance mais elle a peu d’échos au niveau international.

L’une des critiques majeures faite par Autisme France aux psychanalystes repose sur le mot honni de psychose, attaché à des hypothèses psychogénétiques, tandis que la science aurait démontré qu’il s’agit d’un trouble causé par des dysfonctionnements neurobiologiques. En fait l’étiologie de l’autisme reste aujourd’hui inconnue. Plus les recherches sur son origine génétique avancent, plus elles découvrent la complexité du problème, ne pariant plus sur la découverte d’un gène, mais sur une multitude de mutations spontanées, qui elles-mêmes conduisent à prendre en compte l’épigenèse, c’est-à-dire l’influence de l’environnement. Une étude récente de l’Université de Californie de San Francisco sur les jumeaux monozygotes et dizygotes, dont au moins un est autiste, bouleverse les données antérieures, en calculant que l’influence des gènes n’interviendrait que pour 38% dans l’étiologie de l’autisme [2], alors que le chiffre le plus couramment retenu avoisinait les 90%. Elle dérange et est controversée. Quoi qu’il en soit, l’essentiel reste le fait bien établi que des approches thérapeutiques et pédagogiques diverses peuvent modifier considérablement le devenir d’un sujet autiste, jusqu’à parfois lui permettre une insertion sociale satisfaisante. En cela il n’est pas comparable à un enfant atteint de trisomie 21 ; les acquisitions de ce dernier se heurtant à des limites indépassables.

Absence de délire et d’hallucinations verbales.

Deux des principaux arguments invoqués pour sortir l’autisme du champ de la schizophrénie reposent sur une conception sommaire de la psychose. Dans le discours de la psychiatrie contemporaine, porté par les DSM, le concept de psychose se dissout essentiellement dans les troubles schizophréniformes, lesquels sont appréhendés à partir des symptômes les plus manifestes. Parmi ceux-ci le délire et les hallucinations ne feraient jamais défaut « à un moment ou l’autre de la maladie » [3]. Or dès 1970 Rutter souligne que des études catamnestiques on fait apparaître que l’individu autiste ne présente que rarement des productions délirantes et des hallucinations une fois l’âge adulte atteint [4]. À partir de ce constat, très vite, entre 1970 et 1980, l’autisme cesse d’être une psychose dans un champ conceptuel où l’identification de celle-ci se fait sur des signes cliniques qui conduisent à la tirer vers la folie. Or, comme le soulignait Asperger, ses psychopathes autistiques « ne sont pas fous, ni à moitié, ni au quart » [5].

Il est frappant, note Lemay, que l’autiste ne transforme pas son angoisse « en des peurs désignables liées à des puissances animées ». Il « ne nous dit pas comme tant d’enfants ses craintes du « rideau qui bouge », de l’inconnu qui peut pénétrer dans sa chambre par la fenêtre ou d’une présence mystérieuse en dessous de son lit. Nous sommes donc toujours dans des représentations où le sensoriel et l’inanimé l’emportent sur les configurations humaines […] Si l’environnement physique est décrit comme menaçant et si tout événement touchant le cosmos l’inquiète (tempête, tremblement de terre, raz de marée) il ne rattache pas ces menaces à des personnes désignées. Il n’y a pas de délire interprétatif du type « telle personne envoie des ondes ou détruit l’ordre du monde ». C’est la structure inanimée qui risque de se fissurer ou d’éclater sans la nomination d’un persécuteur vis-à-vis duquel il faudrait se protéger ou se venger » [6].

D’autre part, Eric Laurent note que d’après les témoignages des autistes, « le calcul de la langue auquel se livrent ces sujets apparaît complètement séparé du corps. Il ne fonctionne donc pas comme un délire psychotique qui, lui, met peu ou prou en jeu l’imaginaire du corps –Schreber témoigne notamment de l’effet de la langue sur le corps : la parole de Dieu traverse son corps en produisant des effets incroyables » [7]. « À ce jour, précise Schreber, et depuis les origines de ma relation avec Dieu, mon corps n’a cessé d’être la cible de miracles divins […] Je peux dire qu’il n’est pas un membre ou un organe de mon corps qui n’ait été touché à un moment par un miracle, que ce soit pour être mobilisé ou pour être paralysé, selon les buts divers qu’un se proposait » [8]. Eviration des parties génitales, changement du cœur, envoi d’un « ver pulmonaire », destruction d’une partie des côtes, oppression thoracique, œsophage et intestins déchirés ou volatilisés, etc., et surtout féminisation de l’image du corps. Rien de tel dans l’autisme : le sujet ne fait jamais état d’une action extérieure exercée sur son corps.

Nul doute que certains autistes témoignent parfois de convictions bizarres. Identifier un délire demande cependant plus d’exigences : une initiative qui vient de l’extérieur, la localisation de persécuteurs, une certaine logique évolutive, etc. Dès lors, on conviendra probablement qu’un délire chronique, structuré par un thème de persécution, ou articulé autour d’une conviction mégalomaniaque, n’appartient pas à la clinique de l’autisme. Néanmoins la discussion pourrait se poursuivre longuement, car il n’existe aucune manière de définir avec précision ce qu’est un délire ; ni la fausseté du jugement, ni la conviction inébranlable, ni le caractère xénopathique ne sont des caractéristiques suffisantes [9]. Il est possible d’avoir une appréhension assez rigoureuse d’un sujet délirant, pas d’un délire en soi. Le problème de la distinction autisme-psychose doit donc être reporté sur celui d’une approche de la structure du sujet.

Pour les hallucinations il est difficile à beaucoup d’agréer à l’idée qu’elles constitueraient un critère différentiel entre autisme et psychoses infantiles. Pourtant, si l’on accepte de considérer que seules les hallucinations verbales peuvent signer la psychose, il faut convenir que celles-ci s’avèrent extrêmement rares chez les autistes. Aucun des cliniciens majeurs de l’autisme, ni Kanner, ni Asperger, ni Bettelheim, ni Malher, ni Meltzer, ni Tustin ne font état d’hallucinations verbales chez les sujets avec lesquels ils ont travaillé. Les témoignages des autistes de haut niveau, qui furent parfois des autistes de Kanner dans leur enfance, confirment ce constat. Tammet relate avoir entendu la voix d’un compagnon imaginaire lui répondre ; mais il s’agit d’un onirisme diurne qui ne présente pas les caractères d’un automatisme mental [10]. Certains témoignent de quelques rares hallucinations visuelles Ouellette atteste en avoir éprouvé une, mais jamais, précise-t-il, d’hallucination typique de la schizophrénie [34].

Depuis les années 1980, le Mouvement international des entendeurs de voix, qui a peu d’échos en France, cherche à faire reconnaître que les voix sont moins un problème psychiatrique qu’un aspect de la condition humaine. La thèse paraît excessive, pourtant chacun peut faire l’expérience d’hallucinations, parfois même verbales, par des techniques d’isolement sensoriel, par l’ingestion de certaines drogues, par la culture de techniques archaïques de l’extase, etc. Marius Romme, professeur de psychiatrie à l’Université de Maastrich, l’un des fondateurs du mouvement des entendeurs de voix, dans un travail publié en 1998, divise ceux qui présentent des hallucinations verbales en trois groupes : les patients schizophrènes, les patients souffrant de troubles dissociatifs et les non-patients [11]. Il s’agit d’une formulation dans les termes de la nosologie moderne d’une opinion ancienne : la distinction entre les hallucinations psychotiques et névrotiques appartient à la psychiatrie classique ; tandis que Freud n’hésitait pas à faire état « d’hallucinations accidentelles chez les gens sains » [12]. Qui plus est, dans son Manuel de Psychiatrie de l’enfant, Ajuriaguerra, à la lecture de la littérature américaine sur les hallucinations chez l’enfant, s’étonne de « la quantité considérable de cas dans lesquels il y avait, semble-t-il, des épisodes hallucinatoires et non seulement chez les psychotiques mais également dans les névroses, chez les enfants présentant des troubles du comportement et même chez les enfants normaux » [13] Des études plus récentes inclinent à supposer que le phénomène hallucinatoire déborde largement la clinique de la psychose. Dans une recherche effectuée en 2002, portant sur un échantillon de 8000 personnes, des psychiatres britanniques constatent que 75 % des sujets relatant des expériences hallucinatoires auditives ou visuelles ne remplissent pas les critères d’un trouble psychotique. Ils constatent de surcroît de fortes variations selon les groupes ethniques, suggérant qu’il existe des différences culturelles dans la tolérance et l’expression des phénomènes hallucinatoires [14].

Il apparaît aujourd’hui bien établi qu’il est sans pertinence de se fier à la seule présence d’hallucinations pour porter un diagnostic tant elles se rencontrent chez des sujets divers et avec une fréquence accrue dans la clinique infantile. La thèse de la psychiatrie moderne selon laquelle délire et hallucinations seraient caractéristiques de la psychose reste sommaire et peu utilisable dans la pratique. Une clinique plus fine doit être convoquée capable de distinguer entre onirisme et automatisme mental. Dans ce cas le constat d’une grande rareté des hallucinations psychotiques dans le cadre de la clinique de l’autisme ne peut être mis en doute.

Les caractéristiques les plus évidentes de la psychose ne se discernent guère dans l’autisme ; pourtant ils partagent en commun des troubles de l’identité, du cours de la pensée et des phénomènes de délocalisation de la jouissance qui conduisirent longtemps à souligner le recoupement partiel de leurs deux cliniques. C’est la schizophrénie de Bleuler qui sert de référence à Kanner et à Asperger quand ils dégagent le syndrome autistique ; c’est pourquoi l’un et l’autre vont chercher dans le vocabulaire de Bleuler le terme par lequel tous deux nomment leur découverte sans s’être concertés et sans connaître leurs travaux. Le rapprochement s’impose aisément d’emblée ; le travail de différenciation est plus complexe. Néanmoins la psychiatrie contemporaine considère, avec une certaine pertinence, que si l’autisme et la schizophrénie peuvent avoir en commun des symptômes négatifs et cognitifs ; en revanche les symptômes positifs de cette dernière (délire, hallucinations) lui appartiennent en propre.

La volonté d’immuabilité (« sameness »).

La tendance est aujourd’hui à un autisme généralisé en pédopsychiatrie. Nul ne doute que la symptomatologie de l’autisme et celle des psychoses infantiles se superposent partiellement puisque l’autisme fut d’abord appréhendé comme une forme infantile de schizophrénie. Cependant la nouvelle entité clinique dégagée par Kanner décrit des enfants gouvernés par un « désir tout-puissant de solitude et d’immuabilité » [15] Dans les formes graves, l’autiste de Bleuler, comme celui de Kanner, peuvent être décrits comme des sujets « enfermés dans leur chrysalide » [16], partageant ainsi une volonté de rester solitaires. En revanche, l’immuabilité est un concept que Bleuler ne connaît pas. Il est introduit par Kanner pour désigner le fait que l’autiste veut vivre dans un monde statique dans lequel il ne tolère pas les changements. L’immuabilité porte principalement sur l’environnement et sur les séquences événementielles. « La totalité de l’expérience qui vient à l’enfant de l’extérieur doit être réitérée, écrit Kanner en 1951, souvent avec tous ses constituants en détail dans une complète identité photographique et phonographique. Aucune partie de cette totalité ne peut être altérée en termes de forme, de séquence ou d’espace, le moindre changement d’arrangement, de quelques minutes qu’il soit, difficilement perceptible par d’autres personnes, le fait entrer dans une violente crise de rage » [17]. L’immuabilité révèle que l’autiste est un sujet au travail pour sécuriser un monde éprouvé par ailleurs comme chaotique et inquiétant. Selon Kanner il s’agit d’une caractéristique majeure du syndrome, il serait avec la solitude l’autre mode principal de protection contre l’angoisse ; or l’immuabilité se trouve fortement gommée dans les DSM. Elle est mentionnée comme « une résistance au changement » qui n’intervient que comme une composante d’un des 6 items permettant le diagnostic dans le DSM-III. Elle est encore plus minimisée dans le DSM-IV où « l’adhésion apparemment inflexible à des habitudes ou à des rituels spécifiques non fonctionnels » constitue un item parmi 14. Dans les deux cas il devient tout à fait possible de porter un diagnostic d’autisme en l’absence d’immuabilité. L’usage s’en est aujourd’hui largement répandu coupant ainsi la découverte de Kanner d’une de ses contributions les plus précieuses. Pourtant la plupart des autistes de haut niveau font état de la persistance d’une recherche d’immuabilité ; tandis qu’elle est au premier plan chez des autistes aussi déficients que ceux de Deligny qui suivent leurs « lignes d’erre » sans dévier ni vagabonder [18].

L’ironie schizophrénique est antagoniste de l’immuabilité autistique. La première « dit que l’Autre n’existe pas, que le lien social est en son fond une escroquerie » [19] ; la seconde induit la quête de règles auxquelles l’autiste s’attache, cherchant à les suivre de manière scrupuleuse, sans songer à les mettre en cause. « Lorsque mes parents m’expliquaient que telle chose était une règle, rapporte un autiste d’Asperger, je m’y pliais volontiers » [20]. « Il ne me serait jamais venu à l’idée de tricher, confie une autre, car je suivais toujours les règles qui m’étaient imposées si elles n’étaient pas contradictoires avec mes besoins élémentaires » [21]. « Pour les autistes, explique Grandin, les règlements sont très importants, car nous devons toujours nous concentrer intensément sur la façon de faire les choses » [22]. L’ironie du schizophrène témoigne d’un rejet de l’Autre ; tandis que l’autiste est en quête d’un Autre de synthèse. Le premier ne croit à rien ; le second est en attente de règles absolues. Les spécialistes s’accordent à considérer que la compréhension littérale des autistes leur rend difficile la compréhension de l’ironie et qu’eux-mêmes ne l’utilisent pas.

Tout clinicien sait que tenter de modérer les angoisses d’un psychotique par des explications raisonnables est sans grand effet ; en revanche, l’autiste leur accorde beaucoup d’importance et elles peuvent s’avérer pour lui remarquablement apaisantes. Pour que l’enfant autiste accepte, « sans angoisse, des modifications et des changements, constatèrent les Brauner, il leur faut des connaissances. Une thérapeutique qui exclut tout effort didactique n’est pas possible […] Les connaissances comptent parmi les moyens efficaces pour diminuer aussi bien le désir d’immuabilité que les angoisses déclenchées par les changements » [23].

Devons-nous accorder un total crédit à Kanner quant au dégagement des symptômes les plus spécifiques de l’autisme infantile précoce ? Ceux qui se sont penchés sur cette question ont presque toujours rendu hommage à son coup de génie. Leur objection la plus fréquente consiste à souligner qu’il a minimisé les troubles du langage pourtant fort bien décrits dans son article. Or il est remarquable que la découverte d’Asperger conforte partiellement son intuition sur ce point en ne faisant pas du retard de langage un symptôme fondamental. Si l’on ajoute que la solitude des enfants autistes n’est pas si radicale qu’on a pu le supposer, puisque 30% de leur temps serait consacré à des comportements d’approche d’autrui [24], l’immuabilité apparaît comme un élément majeur du diagnostic différentiel.

L’autisme ne se déclenche pas.

Dès son article de 1943, Kanner esquisse une autre différence entre autisme et schizophrénie. Il considère que dans cette dernière « les premières manifestations observables » sont « précédées de deux années de développement essentiellement normal », tandis que les enfants autistes « ont tous montré leur extrême retrait depuis le début de leur vie, ne répondant à rien de ce qui venait à eux depuis le monde extérieur ». Selon lui, « les schizophrènes essaient de résoudre leurs problèmes en sortant d’un monde dans lequel ils ont été en partie et avec lequel ils ont été en contact », en revanche les autistes « acceptent graduellement un compromis en allongeant précautionneusement des pseudopodes vers un monde dans lequel ils ont été totalement étrangers dès le début » [25].

L’argument clinique majeur pour faire de l’autisme un trouble envahissant du développement s’appuie sur cette notation de Kanner. Le moment d’apparition des troubles semble tracer une ligne de partage : la psychose se déclenche, tantôt que l’autisme serait présent dès la naissance. On souligne encore que la plupart des entrées dans la schizophrénie se font à l’adolescence ; tandis que l’autisme se décèle presque toujours dès les premières années. « L’âge auquel une maladie se manifeste pour la première fois est extrêmement important, souligne Uta Frith. En effet les conséquences ne sont pas les mêmes selon qu’il s’agit d’un dérèglement qui affecte le cours normal du développement de l’organisme dès la naissance – ou même avant -, ou d’un dérèglement qui affecte l’organisme une fois ce dernier parvenu à maturité. L’état d’esprit de quelqu’un qui est né aveugle ou sourd, par exemple, est complètement différent de celui de quelqu’un qui est devenu aveugle ou sourd par la suite » [26].

Certes, l’opposition n’est pas si radicale : il existe des schizophrénies précoces insidieuses, de sorte que le moment d’apparition des troubles n’est pas décisif pour un diagnostic différentiel. En revanche il est exact que l’autisme ne se déclenche pas : à mesure que les études se précisent les signes de l’autisme sont décelés à des âges de plus en plus précoces [27]].

Dans les années 1970, un tournant se produit dans l’appréhension de l’autisme : le Journal of Autism and Childhood Schizophrenia devient le Journal of Autism and developpmental disorders. Dans le DSM-1 et le DSM-2 l’autisme était classé sous la rubrique « réaction schizophrénique ou schizophrénie, forme de l’enfance ». En 1980 apparaît dans le DSM-III la notion de Trouble global du développement dans lequel l’autisme prend place. Deux arguments majeurs sont soulignés, d’une part, il existe des périodes de rémission et de récidives dans la schizophrénie, rien de tel dans l’autisme : c’est un mode de fonctionnement spécifique permanent ; d’autre part, ni les études rétrospectives portant sur l’enfance d’adultes schizophrènes, ni celles portant sur l’évolution des autistes, ne révèlent une relation entre schizophrénie et autisme.

L’autisme évolue vers l’autisme.

Pourtant certains psychanalystes restent aujourd’hui attachés à l’indifférenciation initiale entre autisme et schizophrénie. Une des difficultés majeures à cet égard tient au constat fait par Rutter quand il note que « la plupart des psychoses survenant dans les trois premières années de la vie répondent aux critères de l’autisme » [28]. Qui plus est, comme le notait déjà Grandin en 1995, et l’actualité de la confection du DSM-V le confirme, « le diagnostic de l’autisme est difficile à porter, car les critères comportementaux qui font sa définition changent fréquemment » [29]. Le diagnostic différentiel précoce entre autisme et schizophrénie est complexe ; cependant l’évolution paraît plus discriminante : il existe très peu d’observations d’enfants autistes diagnostiqués schizophrènes à l’âge adulte. Trois cas sont cependant relatés en 1984 dans les Archives of General Psychiatry. À un examen attentif, la schizophrénie paraît bien avérée, en revanche l’autisme infantile apparaît plus incertain. Les trois enfants ne présentent pas le trait le plus révélateur des défenses autistiques constitué par l’immuabilité et n’ont pas élu d’objet autistique [30]. Cependant, sachant que la symptomatologie de l’autisme et celle de la schizophrénie se superposent partiellement, le diagnostic d’autisme à partir de critères comportementaux s’avère très difficile chez de jeunes enfants lorsque le répertoire de comportements est limité. Quoi qu’il en soit, des observations d’un apparent passage de l’autisme à la schizophrénie restent exceptionnelles. Le constat fait par Asperger est confirmé par la plupart des cliniciens. Il a observé pendant 10 ans 200 cas d’enfants présentant « des symptômes psychiatriques à caractère autistique plus ou moins marqués » [31]. « Est-ce qu’il s’agit, se demande-t-il, d’état pré-schizophrénique et développeront-ils de vraies psychoses ? Nos études, répond-il, nous permettent de nier cette possibilité. Les symptômes décrits ne montrent rien d’évolutif, restent stables durant toute la vie, même s’ils parviennent à une meilleure adaptation à l’environnement et à une meilleure insertion sociale. Nous ne connaissons qu’un seul cas où nous avons diagnostiqué une psychopathie autistique sévère mais où 2 ans plus tard, est apparue une déstructuration de la personnalité et un diagnostic actuel d’hébéphrénie. Mais dans tous les autres cas, dont certains ont été suivis pendant 20 ans, il n’y a jamais eu cette altération de la psychopathie en vraie psychose » [32] Deux études plus récentes confirment le constat d’Asperger, l’une observe un seul enfant évoluant vers la schizophrénie parmi 163 autistes [33], l’autre, une étude longitudinale sur 22 ans, portant sur 38 autistes, ne relate aucune évolution vers la psychose [34].

Pour la plupart des spécialistes de l’autisme (Kanner, Asperger, Rutter, Schopler, Malher, etc.) la quasi absence de passage de l’autisme à la schizophrénie fait consensus. Frith considère qu’une « superposition » est possible mais que la clinique n’en donne que de très rares exemples [35].

L’autisme n’évolue pas vers la psychose, mais vers l’autisme. Dès 1998, je le soulignais dans un article intitulé : « De l’autisme de Kanner au syndrome d’Asperger » [36]. Le constat de cette évolution s’est imposé dans les années 1980, à l’occasion de la traduction anglaise du travail d’Asperger. Bowman [37] et Wing publient alors des cas cliniques établissant l’existence de formes de passage entre les deux syndromes. L’argument majeur en faveur d’un continuum tient en des observations de sujets présentant un tableau typique d’autisme de Kanner dans leurs jeunes années et qui progressent en montrant à l’adolescence toutes les caractéristiques du syndrome d’Asperger. Les plus capables parmi le groupe des autistes de Kanner, affirme Lorna Wing, peuvent avec le temps développer les caractéristiques des psychopathes autistiques d’Asperger et devenir indistinguables de ces derniers dans leur vie adulte [38]. Comment douter de ce passage possible quand on constate que le cas numéro 1 de l’article princeps de Kanner, Donald Gay Triplett, observé dans les années 1930, profitait en 2010 d’une paisible retraite dans le Mississipi ? Après avoir travaillé comme caissier dans la banque de ses parents, il vivait indépendant et seul, conduisait toujours sa voiture, et continuait à cultiver ses loisirs : le golf et les voyages [39].

Certes, la symptomatologie de l’autisme présente des troubles du langage, de l’identité et de la jouissance qui appartiennent à la clinique de la forclusion du Nom-du-Père. C’est ce qui peut autoriser à considérer l’autisme comme une psychose ; cependant elle est si différente de toutes les autres qu’elle incite à interroger l’étroitesse du lien entre forclusion du Nom-du-Père et psychose. Déjà les Lefort n’avaient pas hésité à le distendre en faisant de l’autisme une quatrième structure subjective.

Le point majeur incitant à sortir l’autisme du champ des psychoses réside dans un fait clinique capital, trop souvent gommé par l’exposition en chapitres des Manuels de psychiatrie, l’existence d’une structure psychotique indépendante des tableaux cliniques. Un schizophrène peut évoluer vers la paranoïa, puis tomber dans un état mélancolique, faire un épisode maniaque, présenter à nouveau un délire paranoïaque, et finir par élaborer un apaisement paraphrénique. Le cas clinique le plus étudié par les psychanalystes, celui du Président Schreber, est particulièrement démonstratif de la multiplicité des tableaux cliniques compatibles avec la structure psychotique. Rien de tel dans l’autisme. Rien de comparable non plus avec l’émergence de postulats passionnels. L’autisme évolue du syndrome de Kanner au syndrome d’Asperger.

Il arrive à des sujets de structure psychotique de pouvoir faire état d’une sortie de la psychose clinique, certains sont capables d’une critique de leur délire passé ; en revanche les autistes de haut niveau les mieux stabilisés ne considèrent jamais échapper à leur fonctionnement autistique : tous insistent sur le fait qu’il persiste sous une forme atténuée.


Spécificité des écrits des autistes.

Les écrits des autistes possèdent des caractéristiques communes : tous ces sujets écrivent pour se faire reconnaître comme des êtres intelligents et pour demander une meilleure prise en considération de leur différence. « Moi en tant qu’autiste sers de porte-parole attitré aux autres autistes » [40] écrit sur son ordinateur Birger Sellin, non pas un autiste de haut niveau, mais un authentique autiste de Kanner. Il précise vouloir persuader « les élus doués de parole que les personnes comme les autistes solitaires sont intelligents et ne doivent pas être rejetés » [41] Les gens normaux, ajoute-t-il, « doivent nous reconnaître comme de leur espèce et ils doivent écouter ce qu’ont à dire les muets sécuritaires ». Les autistes qui écrivent le font au nom des autistes, dès lors ils se revendiquent fortement comme tels, même quand ils sont parvenus à une insertion sociale satisfaisante. Les psychotiques sont bien différents. La plupart d’entre eux non seulement ne se revendiquent pas psychotiques, mais ils nient même fortement que ce diagnostic soit pertinent en ce qui les concerne. Les psychotiques n’écrivent pas au nom des autres psychotiques. Beaucoup sont des fous littéraires qui se caractérisent par la volonté d’annoncer une bonne nouvelle et/ou par la demande qu’on leur rende justice. La plupart croient avoir fait une découverte capitale propre à des changements décisifs dans le monde ou dans les systèmes symboliques. C’est souvent la raison pour laquelle ils seraient persécutés. Rien ce comparable chez les autistes qui se bornent à expliquer et à revendiquer la singularité de leur fonctionnement. D’autre part, il n’est pas rare que les écrits d’autistes soient rédigés « à deux voix » : l’auteur prenant appui sur une personne de son entourage pour parvenir à mener à bien le travail d’écriture. L’ouvrage de Judy Barron et de son fils, Sean, « Moi, l’enfant autiste » est à cet égard caractéristique, les textes de l’un et de l’autre y sont interpolés [42]. Les psychotiques ne sont nullement enclins à de telles collaborations dans leurs productions littéraires.

Pour ces raisons, volonté d’immuabilité, absence ou pauvreté du délire et des hallucinations, spécificité des écrits autistiques, absence de déclenchement, et surtout évolution de l’autisme vers l’autisme, l’hypothèse que l’autisme soit autre chose qu’une psychose, à savoir une authentique structure subjective, paraît envisageable. Elle converge avec le sentiment des autistes de haut niveau quand ils cherchent à cerner leur vécu. L’autisme n’est pas une maladie [43], affirme Jim Sinclair, « l’autisme, écrit-il, n’est pas quelque chose qu’une personne a, ou une « coquille » dans laquelle une personne est enfermée. Il n’y a pas d’enfant normal caché derrière l’autisme. L’autisme est une manière d’être. Il est envahissant ; il teinte toute expérience, toute sensation, perception, pensée, émotion, tout aspect de la vie. Il n’est pas possible de séparer l’autisme de la personne... et si cela était possible, la personne qui vous resterait ne serait pas la même personne que celle du départ » [44]. Temple Grandin ne dit pas autre chose : « Si je pouvais, d’un claquement de doigts, cesser d’être autiste, je ne le ferais pas. Parce que je ne serais plus moi-même. Mon autisme fait partie intégrante de ce que je suis » [45] Lorsque Kanner et Asperger se penchent sur le devenir des enfants autistes ils soulignent l’un et l’autre la permanence de ce type clinique. En 1972, Kanner constate que sur les 96 premiers autistes diagnostiqués avant 1953 au John Hopkins Hospital, 11 ont évolués jusqu’à parvenir à une adaptation sociale satisfaisante. Or il observe qu’ils n’ont pas « complètement délaissé [shed] la structure de personnalité fondamentale [fundamental personality structure] de l’autisme infantile précoce » [46]. Asperger fait des constatations semblables. « À partir de deux ans, ces traits sont très reconnaissables – ils perdurent toute la vie. Bien sûr les capacités intellectuelles et du caractère se développent ; il y a des traits qui apparaissent ou disparaissent au cours du développement et les difficultés changent. Mais l’essentiel reste invariable […] C’est l’unité des symptômes et leur constance qui rend cet état aussi typique [47]. Le constat est unanime, en revanche cerner les caractéristiques de ce mode de fonctionnement original s’avère beaucoup plus complexe. Existe-t-il une manière de composer avec la béance de l’Autre sans passer par le fantasme névrotique, le fétiche pervers ou le délire psychotique ?

Rétention de la voix et primat du signe.

Il est exceptionnel qu’une image puisse frayer une voie d’accès aux caractéristiques d’une structure subjective, tel est pourtant ce que permet la remarquable photo de Tomothy Archibald de son enfant autiste choisit par le numéro 4 du Courtil en ligne. On y voit l’enfant les yeux fermés, la tête tournée vers la droite, donnant de la voix dans un tuyau qui se déplie comme une fleur autour de sa tête. D’une main il l’utilise comme un micro, de l’autre il le maintient collé à son oreille gauche. Image exemplaire du rapport de l’autiste à sa voix dont il jouit en circuit fermé. « Echolilia » la nomme fort joliment le père. De surcroît la photo montre l’accolement de l’enfant à un objet qui suscite son agir et devient le support de sa jouissance. Deux éléments principaux de la structure autistique sont là sous nos yeux : la rétention de la voix et le retour de la jouissance sur un bord.

Au principe de l’autisme est le refus de céder à l’Autre les objets pulsionnels. Dès les premiers mois se discerne le plus souvent une absence de contact par le regard et une absence ou une rareté du sourire social. C’est ce que semble établir la recherche PREAUT en se fondant sur l’hypothèse de M-C Laznik selon laquelle le bouclage du circuit pulsionnel ne s’effectuerait pas. Le bébé autiste ne cherche pas à se faire regarder par sa mère (ou son substitut), en absence de toute sollicitation de celle-ci ; de même qu’il ne cherche pas à susciter l’échange jubilatoire avec l’adulte [48]. Il n’a pas de plaisir à se faire croquer pour rire, ni à se faire regarder, et surtout il ne cherche pas à se faire entendre.

Dès le début de la seconde année, il présente des troubles de l’attention conjointe. Cette notion « se fonde d’une part sur le détecteur de direction du regard, et d’autre part, sur la désignation d’un objet à travers les gestes du pointage. Elle articule trois éléments, à savoir : la capacité à traiter simultanément le point de vue d’autrui et le sien propre, l’identification d’autrui comme un interlocuteur et non comme un objet inanimé et la mise en jeu de ces deux modes de représentation dans une activité de communication qui les fonde. Il existe ainsi dans cette communication intentionnelle primitive, des gestes de pointage « proto-impératifs » et « proto-déclaratifs ». La fonction « impérative » désigne l’intention de satisfaire un besoin, l’enfant l’utilise pour obtenir quelque chose de l’adulte. La fonction « déclarative » désigne l’intention d’attirer l’attention d’autrui et de la diriger vers un objet, dans le but d’en indiquer l’existence en partageant sa connaissance avec autrui. Au cours du développement, les gestes proto-impératifs apparaissent les premiers, vers 6 ou 7 mois, suivis par les gestes proto-déclaratifs vers 12 mois. […] Les recherches expérimentales montrent que les troubles de l’attention conjointe [chez les autistes] ne concernent pas la fonction impérative mais la fonction déclarative » [49]. Bref les enfants autistes ne cherchent pas à attirer l’attention visuelle d’autrui en usant du geste de pointage. Ils ne sont pas incapables de pointer, mais, quand ils le font, c’est sans utiliser leur regard pour attirer l’attention de l’adulte vers la cible d’intérêt. Ils ne semblent pas attendre quelque chose de l’autre ; en revanche l’adulte peut être utilisé comme un prolongement de soi-même, en lui prenant la main pour s’en servir comme d’un outil pour aller vers l’objet convoité. La cession du regard, comme celle de la voix ou des fèces, tend à être vécue comme déchirante.

La rétention de l’objet a est certes commune à l’autiste et au psychotique : tous deux l’ont dans leur poche. Cependant l’autiste ne cesse de garder une maîtrise sur l’objet, soit par sa rétention, soit par la construction d’un bord, tandis que le psychotique s’efforce de composer avec un objet non maîtrisé qui s’impose de l’extérieur. Tant qu’il en conserve la maîtrise, l’objet pulsionnel n’est pas inquiétant pour l’autiste. En revanche, il tend à se présentifier sous une forme angoissante pour le psychotique : hallucinations verbales injurieuses, mauvais œil qui surveille, nourriture empoisonnée, etc. Pour ce dernier l’objet pulsionnel est significantisé, mais sa phallicisation est défaillante. Quand l’autiste produit un décollement de l’objet pulsionnel, il le capte dans une image, dans un objet autistique ou dans un réseau de signes. Sa maîtrise de ceux-ci le protège de l’angoisse.

Les conséquences de la rétention des objets pulsionnels sont souvent manifestes sur le comportement de l’autiste : strabisme, encoprésie ou rétention des fèces, anorexie ou boulimie, hurlements inextinguibles ou absence d’appel, etc. Quand par accident une cession se produit elle est vécue comme une perte mobilisant une intense angoisse de castration. Un refus d’appel à l’Autre, présent d’emblée, génère une difficulté à entrer dans l’échange et dans le lien social. La rétention de la voix est lourde de conséquences : elle fait obstacle à l’inscription de l’être du sujet au champ de l’Autre. Pourtant l’autiste n’est pas exilé du langage. Parmi les onze enfants décrits par Kanner en 1943 dans son article initial huit ont appris à parler et tous comprennent le langage, bien qu’aucun ne l’utilise pour converser. Lacan soulignait que si l’autiste se bouche les oreilles à « quelque chose qui est en train de se parler », c’est bien qu’il est déjà dans le post-verbal, « puisque du verbe il se protège » [50]

La rétention de la voix se révèle dans l’étrangeté de l’énonciation des autistes. Ils témoignent de quatre manières bien différentes d’y faire avec l’acte de parole [51]. La plus radicale est de le refuser, d’où le mutisme obstiné d’un grand nombre d’autistes. Cependant Lacan notait que beaucoup se montrent « plutôt verbeux », ce que Williams explicite en relatant qu’elle aimait « le son de sa propre voix » [52]. Le verbiage ne permet guère de communiquer, pourtant certains autistes en ont le désir ; ils recourent alors à une langue factuelle, sans cession de la voix, qui donne le ton monocorde si frappant des autistes de haut niveau. Enfin, il existe une manière plus rare de communiquer, les étonnantes phrases spontanées, qui échappent à des sujets muets dans des moments d’angoisse. Dans cette occurrence la rétention de la voix cesse de manière éphémère.

Les phrases spontanées sont essentielles pour s’orienter dans les débats sur l’aliénation chez l’autiste qui suscitent des opinions contradictoires. Il a souvent été constaté que des autistes mutiques sortent parfois de leur silence, en prononçant une phrase parfaitement construite, avant de retourner en leur retrait muet. Or il est caractéristique que cela se produise dans des situations critiques qui débordent les stratégies protectrices du sujet lui faisant abandonner momentanément son refus d’appel à l’Autre et son refus d’engager la voix dans la parole. Que disent-ils en effet dans ces moments-là ? La première phrase prononcée par Birger Sellin est « rends-moi ma boule » adressée à son père qui venait de lui prendre l’un de ses objets autistiques [53]. Un garçon de 5 ans, rapporte Berquez, « que personne n’avait jamais entendu prononcer un seul mot de sa vie, s’est trouvé gêné quand la peau d’une prune s’est collée à son palais ; il s’exclama alors distinctement : »Enlevez-moi ça« , puis il retomba dans son mutisme antérieur. Un autre enfant mutique de 4 ans se faisant examiner par un pédiatre cria : »Je veux rentrer« et, un an plus tard, à l’occasion d’une hospitalisation pour une bronchite, il s’écria : »Je veux retourner" [54]. Toutes ces phrases possèdent un point commun : la présence du sujet de l’énonciation s’y trouve nettement marquée. Il faut même constater que le phénomène de l’inversion pronominale ne s’y produit pas. Cela peut paraître surprenant, mais en fait bien révélateur d’une prise de parole effectuée par le sujet en son nom propre : il s’agit d’une énonciation en prise avec sa jouissance, et non plus d’un énoncé issu du miroir de l’Autre. La phrase spontanée n’est pas une laborieuse construction intellectuelle, mais une holophrase, une parole qui sort des tripes. Son caractère impératif témoigne de la jouissance vocale qui la mobilise. L’appel à l’Autre s’y affirme. Or tout cela est déchirant pour l’enfant autiste. Ce n’est guère qu’au comble de l’angoisse qu’il peut laisser échapper un tel énoncé, lui-même suprêmement angoissant, vécu comme une mutilation, car mettant en jeu, non seulement l’altérité, mais une cession de l’objet de la jouissance vocale à la jouissance de l’Autre. Nulle tentative d’explication, nul commentaire, nul retour rétrospectif sur ce qui vient d’être dit. Bien loin de réitérer cette expérience angoissante, le sujet cherche à se protéger de son renouvellement, en se murant dans un silence encore plus profond.

Les rares circonstances lors desquelles l’autiste engage sa voix énonciative viennent confirmer, par leur non assomption, qu’il résiste à l’aliénation de son être dans le langage en retenant l’objet de la jouissance vocale. Notons que ces phénomènes suggèrent fortement que l’autisme s’enracine, non dans un déficit cognitif, mais dans un choix du sujet, plus ou moins conscient, afin de se protéger de l’angoisse. À cet égard, Vidal cite une anecdote rapportée par la mère d’un enfant autiste quasi mutique. Alors qu’il était âgé de huit ans, elle demanda un jour à la cantonade et devant lui « pourquoi il parle pas Haffé ? », elle fut toute étonnée de l’entendre répondre : « pa’ce qu’i veut pas ! » [55]. Les phrases spontanées sont des holophrases qui se caractérisent de prendre en masse le S1 et le S2, dès lors elles attestent, comme l’angoisse du trou noir, et la découpe des objets autistiques, que l’autiste n’est pas totalement indemne des répercussions du signifiant en son être. Il n’est pas resté au bord de l’aliénation, il est bien dans l’aliénation, mais il la refuse. L’aliénation signifiante n’est pas assumée par l’autiste. Il n’y a pas aphanisis du sujet, en revanche le langage fait écho dans le corps ; de sorte que Jacques-Alain Miller suggère d’utiliser le terme de parlêtre pour désigner l’autiste.

Comment communiquer sans engager la voix ? C’est la difficulté à laquelle les autistes de haut niveau se trouvent confrontés. Ils la résolvent par une langue factuelle. Lors d’un Congrès d’une association flamande pour l’autisme, il a été demandé à un jeune autiste de parler de son passé. « Ce que Martin a raconté, rapporte Vermeulen, n’était pas une histoire mais plutôt une accumulation de faits, d’événements, de noms et de dates. Pour preuve, l’extrait suivant : « J’ai été à l’école de Marienhove pendant cinq ans, de 1972 à 1977. Il y avait cinq pavillons et une chapelle de l’Eglise catholique à Marienhove. Au début j’étais au pavillon 3 où le pasteur de Bie avait son bureau. Il faisait les sermons à l’église catholique. Je ne suis resté que +/- un an au pavillon 3 avant d’aller en première primaire (1972). Il y eut une fête au pavillon 3 le 19 mars 1972 (jour de son anniversaire) avec sept bougies sur le gâteau. Cette année-là, j’ai pu rentrer chaque week-end à la maison au lieu de toutes les trois semaines ». Ce n’est pas un roman, constate Vermeulen, c’est un journal de bord. Les faits l’emportent sur les expériences [56]. D’autres observateurs de ces phénomènes notent que de tels propos s’avèrent essentiellement de « nature constatante » et non intentionnelle. Ils sont très différents du verbiage : ils s’inscrivent dans un effort pour communiquer, c’est pourquoi ils doivent être produits dans la langue de l’Autre. En outre la jouissance de la voix s’y trouve gommée, tandis qu’elle s’affirme dans le verbiage.

Le refus d’assumer l’aliénation conduit les autistes, quand ils cherchent à communiquer, à le faire en utilisant des éléments linguistiques épurés de la jouissance vocale. Leur intonation en témoigne : souvent monocorde, plate, dépourvue d’affects ; mais plus important encore : l’usage du signifiant se trouve gommé au profit du signe.

L’autiste qui cherche à communiquer s’oriente vers un langage qui décrirait les faits sans que lui-même ait à les interpréter. Dès lors, son idéal serait un code qui parviendrait à connecter les mots de manière constante et rigide à des objets ou à des situations clairement déterminées. « Ce n’est pas la complexité d’une langue qui pose problème aux autistes, explique K. Nazeer. En fait il est probable qu’elle les aide plutôt, dans la mesure où plus il y en a, moins un mot risque d’être polysémique. Plus il y a de règles et de structures, et moins un autiste doit se reposer sur son intuition et sur le contexte » [57]. L’idéal pour eux, souligne-t-il, serait « un sens / un mot », c’est-à-dire une langue qui se réduirait à un code, dès lors totalement construite avec des signes.

Lorsque Grandin affirme « penser en images », elle atteint parfois à l’idéal du code autistique : celui qui fonctionne à l’aide de représentations en tous points identiques à la chose. « Mon imagination, affirme-t-elle, fonctionne comme les logiciels d’animation graphique qui ont permis de créer les dinosaures réalistes de Jurassic Park. Quand j’essaie une machine dans ma tête ou que je travaille sur un problème de conception, c’est comme si je le visionnais sur une cassette vidéo. Je peux regarder l’appareil sous tous les angles, me placer au-dessus ou en dessous, et le faire tourner en même temps. Je n’ai pas besoin d’un logiciel sophistiqué pour faire des essais en trois dimensions » [58]. Une telle image constitue la forme la plus achevée du signe iconique. On sait que, parmi les différents signes, les enfants autistes apprécient particulièrement les icônes, c’est-à-dire des signes motivés, au moins partiellement, qui représentent schématiquement l’entité, la personne, l’événement ou l’attribut désignés (par exemple le Z sur les panneaux routiers pour désigner des lacets ; le plan d’une maison, des images d’hommes ou de femmes à l’entrée des W.C, etc.) Ils les apprécient parce que l’icône constitue le signe le plus approprié à leur recherche de codage du monde : en elle s’avère immédiatement manifeste une connexion rigide du signe à l’image du référent.

Quand ils ne sont pas sans référent objectivable, les signes ne prennent en charge les objets du monde que image par image ou séquence par séquence. Le concept de chien renvoie inextricablement pour Grandin à chacun des chiens qu’elle a connus dans sa vie. Pour l’autiste, le langage ne fait pas inexister ce dont il parle, le mot n’est pas totalement le meurtre de la chose. Or ce n’est qu’à cette condition, celle de la significantisation, que le monde devient « semblantifié » [59]. Tous les observateurs s’accordent à constater que le « faire semblant » est déficient chez l’autiste. Or au principe de cet acte, se trouve le décollement du signifiant et de l’objet, ce qui permet à l’enfant de prétendre qu’un soulier est une voiture, qu’une banane est un avion, que le chien fait miaou et le chat ouah-ouah, etc.

Quand un référent concret n’existe pas, l’autiste se trouve souvent contraint à l’inventer, pour satisfaire à la nécessité de penser avec des signes. Ainsi, confrontée à des notions trop abstraites, Grandin s’efforce de les transformer en icônes : « Pour la paix, relate-t-elle, je pensais à une colombe, à un calumet ou aux photos de la signature d’un accord de paix. Pour l’honnêteté, c’était quelqu’un jurant, la main sur la Bible, de dire toute la vérité devant un tribunal. […] Le terme « pécher » (Trespass) faisait apparaître l’image d’un panneau orange et noir d’entrée interdite (No trespassing). » [60]

L’autiste refusant de mobiliser le signifiant pour communiquer, il en passe par des signes auxquels il s’efforce de donner une signification absolue. Selon Lacan, le signe représente quelque chose pour quelqu’un, réduisant ainsi son acception à l’icône et à l’indice au sens de Peirce. L’exemple qu’il convoque, celui de la fumée comme signe du feu, analogue à la girouette comme celui du vent, relève de l’indice selon Peirce. Une caractéristique majeure de tels signes est qu’ils n’effacent pas totalement la chose désignée, puisqu’ils restent avec elle dans un rapport de similarité ou de contiguïté. Le référent des signes se trouve dans le monde des choses. Tel n’est pas le cas du signifiant : s’il est appréhendé, selon la définition donnée par Lacan, comme ce qui représente le sujet, et sa jouissance, auprès d’un autre signifiant, il se trouve coupé de la représentation. Le signifiant rompt le lien avec ce qu’il signifie, il ne vaut que par la différence qu’il introduit, ce qui lui permet de faire advenir le symbole, au sens de Peirce, qui « ne peut pas indiquer une chose particulière » mais seulement « un genre de choses » [61]. Les obstacles rencontrés par les autistes pour généraliser ou pour faire semblant manifestent leurs difficultés d’accès au symbole pris dans cette acception. Toutefois il est abusif d’affirmer que les autistes n’ont pas accès à l’abstraction, leurs capacités de symbolisation qui en passent essentiellement par l’indice, voire par l’icône, sont plus rudimentaires que celles du sujet du signifiant, elles mettent malgré tout en œuvre un processus de substitution qui permet de porter la chose au langage. De plus, pour décrire le monde, la langue fonctionnelle de signes parvient à utiliser des signes sonores ou scripturaux issus de la langue de l’Autre,

Les signes qui forment l’Autre de synthèse de l’autiste [62] possèdent deux différences majeures avec les signifiants qui constituent l’inconscient freudien, d’une part, et c’est essentiellement ce que décrit Grandin, en parlant de « penser en images » [63], ils restent parasités par le référent, ils n’effacent pas la chose représentée, d’autre part, ils n’ont pas la propriété de fonctionner comme « godet de la jouissance » (Lacan), c’est-à-dire qu’ils ne représentent pas la pulsion, ce que tous les autistes soulignent en notant l’absence de connexion entre le langage et la vie émotionnelle. Les Lefort mettaient l’accent sur ce point : « dans la structure autistique, affirmaient-ils, le signifiant manque à devenir corps et manque ainsi à faire affect » [64].

Le primat de la langue factuelle de signes chez les autistes de haut niveau est perçu comme une difficulté à exprimer leur ressenti. C’est ce qui incite Grandin à comparer sa manière de penser à celle d’un ordinateur. « J’ai récemment assisté, rapporte-t-elle en 1995, à une conférence où une sociologue a affirmé que les êtres humains ne parlaient pas comme des ordinateurs. Le soir même, au moment du dîner, j’ai raconté à cette sociologue et à ses amis que mon mode de pensée ressemblait au fonctionnement d’un ordinateur et que je pouvais en expliquer le processus, étape par étape. J’ai été un peu troublée quand elle m’a répondu qu’elle était personnellement incapable de dire comment ses pensées et ses émotions se raccordaient. Quand elle pensait à quelque chose, les données objectives et les émotions formaient un tout. […] Dans mon esprit, ils sont toujours séparés » [65]. Le rapprochement effectué par Grandin entre sa pensée et le fonctionnement d’un ordinateur n’est pas sans quelque pertinence, si l’on conçoit que ce qui caractérise la « pensée » d’un ordinateur réside dans son absence d’affects. « Qu’un ordinateur pense, note Lacan, moi je le veux bien. Mais qu’il sache, qui est-ce qui va le dire ? Car la fondation d’un savoir est que la jouissance de son exercice est la même que celle de son acquisition. » [66]. Or c’est précisément une telle acquisition de savoir, produite à l’occasion du chiffrage de la jouissance par l’entrée du sujet dans la chaîne signifiante, qui ne fonctionne pas dans la langue factuelle. Dès lors l’intuition de Williams cherchant à différencier l’autisme de la schizophrénie n’est pas sans pertinence quand elle note que sa solution « pour réduire la surcharge affective et permettre ainsi ma propre expression consistait à combattre pour, et non pas contre la séparation entre mon intellect et mes émotions » [67] Le schizophrène combat la dissociation en s’efforçant de construire, par l’entremise du délire, une réalité conforme au ressenti ; tandis que l’autiste, pour tempérer une jouissance débordante, s’astreindrait à un travail de scission conduisant à séparer la voix de la langue de signes.

Le primat du signe dans la pensée des autistes possède des conséquences capitales quant à leur traitement. Il fait obstacle à un apprentissage spontané en prise avec les affects. Il faut tenir compte du constat d’Asperger, confirmé par les témoignages d’autistes de haut niveau, « ces personnes, écrit-il, sont, si on s’exprime crûment, des automates de l’intelligence. C’est par l’intellect que se fait l’adaptation sociale chez eux. Il faut tout leur expliquer, tout leur énumérer (ce qui serait une faute grave d’éducation chez les enfants normaux) ; ils doivent apprendre les tâches journalières comme des devoirs d’école et les exécuter systématiquement » [68]. Ce que confirme Williams quand sa demande initiale, lors de la cure entreprise avec le Dr Marek, porte sur l’enseignement de « règles absolues ». L’autiste voudrait que le monde des choses soit régi par des régularités fixes ; il souffre que la réalité fluctue en fonction des interprétations subjectives. L’ambiguïté signifiante le désoriente ; il cherche à codifier le monde à l’aide de signes.

L’autiste ne semble pas avoir l’objet a dans sa poche, il n’est pas envahi par celui-ci, il s’efforce d’en avoir la maîtrise : il le retient en refusant d’engager la voix ou le regard, tandis que des règles très contraignantes encadrent l’objet oral ou anal.

La volition étayée sur un bord.

Même quand les autistes sont murés dans le silence et dans un retrait social affirmé, leur indifférence ne présente pas les mêmes caractéristiques que celle des schizophrènes. La perte d’élan vital chez ces derniers suscite souvent un profond désintérêt pour la plupart des objets, le corps devient ce qui polarise l’investissement libidinal ; en revanche les autistes investissent peu leur corps, ce que révèle parfois une remarquable insensibilité à la douleur, tandis qu’ils témoignent régulièrement d’un attrait marqué pour certains objets. L’enfant autiste, soulignait Kanner, « a une bonne relation d’objets ; il s’intéresse à eux, et peut jouer avec eux, joyeusement, pendant des heures. […] Quand il est avec eux, il a le sentiment plaisant d’un pouvoir et d’un contrôle incontestés » [69]. Les enfants autistes, insiste Kanner, « sont capables d’établir et de maintenir une excellente, significative et intelligente relation avec les objets qui ne viennent pas interférer avec leur retrait » [70]. Leur indifférence est sélective, elle porte surtout sur les personnes ; tandis que l’indifférence des schizophrènes est plus volontiers généralisée à l’ensemble du monde extérieur.

« Communiquer par le biais des objets était sans danger » souligne Williams [71]. C’est par leur entremise que l’autiste peut s’ouvrir au monde, et en premier lieu grâce à un objet qu’il privilégie régulièrement, donnant naissance à ce que Tustin a nommé en 1972 l’objet autistique [72]. Non seulement celui-ci capte la jouissance de l’autiste, mais dans ses formes élaborées il possède une remarquable capacité dynamique, totalement négligée par Tustin, qui le considérait comme un objet pathologique, et non comme une invention précieuse. Parmi les observations citées de façon presque universelle dans les descriptions de l’autisme infantile, l’une des plus remarquables est le fait que les enfants autistes se servent des adultes, ou des mains des adultes, comme d’un outil, les considérant alors comme des objets. L’objet autistique est au principe des défenses de l’autiste qui consistent essentiellement selon Williams à garder le contrôle et à se mettre hors d’atteinte [73]. Par l’interposition de l’objet autistique entre le sujet et le désir de l’Autre, l’autiste met en place une protection qui tente de le maintenir « hors d’atteinte ». En revanche, et cela a été moins souligné, à la condition qu’il puisse garder le contrôle de son objet autistique, l’autiste peut, en passant par son truchement, s’ouvrir au monde. On a justement fait remarquer qu’il semble y avoir dans l’autisme une erreur quant au point d’insertion de la libido : celle-ci se localise sur un objet qui possède la propriété de pouvoir dynamiser le sujet quand il se branche sur lui.

Du fait de la non-cession des objets pulsionnels, la dynamique du sujet est entravée, ce qui incite parfois des observateurs à faire état d’une « maladie de la volonté » [74]. Sa fille n’ayant pas élu un bord autistique, Clara Park constatait chez elle, à l’âge de huit ans, « un manque d’impulsion à progresser […] une inertie mentale et affective… », une absence de réponse aux suggestions directes. Elle était frappée par son manque de motivation et par sa recherche d’évitement de « toute action autonome ». Elle constatait qu’elle ne se perfectionnait jamais spontanément, sauf pour parfaire une routine, ou lorsqu’elle était soutenue par quelqu’un [75]. Cette dernière notation est importante. Elle indique la nécessité d’un détour par le support d’un objet externe pour que s’enclenche une certaine dynamique.

Joey, l’enfant-machine de Bettelheim, avait le sentiment de se connecter à une énergie électrique qui lui permettait de fonctionner quand il se branchait sur sa machine ; dès qu’il se débranchait, il devenait inerte. Seuls les compagnons imaginaires de Williams, Willie et Carol, lui permettaient de communiquer avec l’extérieur [76], le premier avait « le sens des responsabilités », la seconde était « superficielle et sociale » [77] , en assumant tantôt l’un, tantôt l’autre rôle, elle a pu faire des études universitaires, exercer divers métiers et se montrer très active. Grandin trouve toujours dans sa trappe à serrer une machine qui régule son énergie vitale et lui permet de fonctionner correctement à la condition de s’y ressourcer de manière régulière. Mais il est essentiel, précise-t-elle, de toujours en garder la maîtrise [78].

Beaucoup de critiques ont été adressées à la communication facilitée pratiquée avec les autistes. Ces derniers témoignent tous avoir longtemps besoin que leur main soit soutenue par celle du facilitateur pour parvenir à taper sur le clavier, ce qui incite certains observateurs à considérer que leur main est guidée par le facilitateur et qu’ils ne sont pas réellement les auteurs des textes. En fait, en progressant, beaucoup arrivent restreindre leur besoin d’aide, parfois même à pouvoir s’en passer, de sorte qu’il ne fait guère de doute qu’ils soient réellement les auteurs des textes produits. La fonction du facilitateur n’est étrange et suspecte que pour qui ne conçoit pas la nécessité du branchement sur un objet-double pour que l’autiste s’anime.

Bien entendu, le phénomène de la curieuse dynamique, aliénée à son double, du sujet autiste, a été décrite avant l’invention de la communication facilitée. Si cette dernière a été inventée en Australie, par Rosemary Crossley, dans les années 1970, elle ne s’est répandue qu’à partir des années 1990. C’est en 1967 que Clara Park relate avoir fait l’expérience avec sa fille Elly de phénomènes en tous points analogues à ceux qui sont relatés par les facilitateurs. « Pour ouvrir un robinet normal, écrit-elle, il faut à la fois presser et tourner. J’y pose la main d’Elly, son poignet et ses doigts deviennent mous. Je me sers comme d’un outil de sa main enfermée dans la mienne et je tourne le robinet. Les premières fois, toute la force vient de moi. Elly aime l’eau et ne se lasse pas des actions répétées. Peu à peu, imperceptiblement (j’espère bien que cela est imperceptible) je desserre les doigts. La petite main n’est plus tout à fait aussi molle ; il y a sans doute après tout quelques muscles… je remonte ma main d’un demi-centimètre, tout en ouvrant de nouveau le robinet. Encore un demi-centimètre… Un centimètre entier. Avec des précautions infinies, je déplace ma main le long de ses doigts, sur son poignet. Elle continue à faire fonctionner le robinet. Ma main grimpe toujours, le long de son bras. Finalement, il ne reste plus qu’un doigt sur son épaule, ce qui lui permet de maintenir la fiction que c’est moi, et non pas elle, qui agis. Nous sommes devant le lavabo depuis une grande heure. Mais le travail n’est pas encore terminé. Le lendemain il faut tout recommencer pour établir à nouveau cette aptitude, mais le travail se fait plus vite. Ensuite j’enlève mon doigt : il suffit maintenant que je sois présente […] On dirait qu’Elly se sent plus à l’aise si elle réussit à conserver l’image de sa propre incapacité » [79]. Un tel retrait progressif de la main, puis du contact, mais la nécessaire persistance d’une présence pour doter le sujet d’une dynamique sont très exactement ce que relatent tous ceux qui ont l’expérience de la communication facilitée.

Une autre autiste muette qui pratique cette dernière essaie d’expliquer le phénomène : « « Mon handicap, écrit-elle, produit une dépendance fusionnelle. J’oublie mon autisme dès que je sens une forte directivité. J’ai besoin d’être propulsée dans ma dépendance. J’ai besoin de sentir plus de force dispensatrice de jeu lié au bifonctionnement intercorporel et intellectuel » [80]. Elle ajoute par ailleurs : « On continue à se nourrir de l’énergie de nos parents » [81].

La logique du fonctionnement autistique a donné naissance à deux nouveaux techniciens, le facilitateur, celui qui permet la pratique de la communication facilitée, et l’Assistant de Vie Scolaire (AVS), qui aide l’instituteur par une prise en charge individuelle de l’enfant. Ils répondent l’un et l’autre à une attente de l’autiste : celle de pouvoir étayer sa volition sur un bord. Pour cette fonction les autistes de haut niveau recourent souvent à la création d’objets autistiques complexes qu’ils construisent (trappe à serrer de Grandin, « Urville » de Gilles Tréhin, alternateur électrique de Joey, etc.). D’autres les rendent plus discrets en transmuant un objet de la vie quotidienne en objet autistique (téléphone portable et pince crocodile dans la poche pour Nazeer).

La forclusion du Nom-du-Père produit une réduction du rapport à l’autre à la pure relation spéculaire. Cela se confirme tant dans la psychose que dans l’autisme. Cependant le double du psychotique est vécu comme un objet autonome et malveillant, sur lequel la volonté du sujet est impuissante à s’exercer, sauf à le détruire. Tel n’est pas le cas pour le double de l’autiste, rassurant quand il peut être maîtrisé, ou quand il est admis parmi les objets familiers. Hébert note pertinemment qu’il est peut-être possible de différencier les autistes et les psychotiques à partir de leur appréhension du double : « les premiers aiment souvent qu’on les imite, et se saisissent de cet écho comme d’une occasion de contact. Les seconds peuvent très bien mal réagir à nos imitations » [82] Le double de l’autiste n’est pas un rival, mais un appui. Bettelheim le nommait « un moi auxiliaire », d’autres évoquent la nécessité d’une « structure de soutien », d’autres encore d’un « contenant » ou d’un « aidant », voire d’un « mentor ». Certains se réfèrent à « un maternage symboligène ». Toutes ces intuitions de cliniciens convergent pour constater que le traitement de l’autiste passe par l’élection d’un objet considéré comme semblable à lui parce que prévisible.

Tustin avait noté dès ses premières descriptions de l’objet autistique qu’il était appréhendé comme un double par l’enfant. À la condition qu’il soit sous contrôle, rassurant, un adulte peut prendre la place d’un double et être utilisé comme un objet autistique. Un animal familier, un frère ou une sœur, une machine, etc. tiennent parfois tout aussi bien cette fonction. D’autre part, c’est une constante souvent soulignée de la clinique de l’autisme : l’aptitude de ces sujets à développer ce que l’on nomme des « intérêts spécifiques ». Ils se présentent souvent comme des érudits dans un domaine très localisé : les trains, les automobiles, les plans de ville, les isolateurs électriques, les nombres, les plantes carnivores, etc. Les compétences qu’ils acquièrent en ce domaine se généralisent parfois jusqu’à leur permettre une insertion professionnelle. Les adultes autistes de haut niveau, constate Grandin, quand ils ont un emploi stable, « font souvent un travail dans le même domaine que les obsessions de leur enfance ». [83]

La fréquente interpénétration des trois éléments, l’objet autistique, le double et l’intérêt spécifique, ainsi que l’investissement libidinal intense qu’ils suscitent conjointement, me conduit à les regrouper sous le concept de bord autistique. Tous trois servent de protection contre le désir de l’Autre, tempèrent l’angoisse, dynamisent le sujet, et permettent parfois, grâce à l’appui pris sur eux, d’avancer « précautionneusement des pseudopodes », selon l’expression de Kanner, pour s’aventurer vers la vie sociale.

Quand il introduit la formule du retour de la jouissance sur le bord, en 1992, E. Laurent donne comme exemple du bord la « carapace » de Tustin, c’est-à-dire des objets autistiques protecteurs dont la dimension de double est particulièrement accentuée [84]. Le concept de bord autistique est ici élargi en y incluant un autre élément, l’intérêt spécifique (ou sujet de prédilection), qui participe tout aussi régulièrement que le double et l’objet à la localisation de la jouissance, et à la structuration du sujet, si l’on prend en compte les formes évolutives de l’autisme infantile précoce.

Le bord autistique possède trois propriétés majeures : il constitue une frontière à l’égard du monde extérieur, un canal vers celui-ci et un capteur de jouissance dynamisant. On ne saurait confondre ce bord comblant, qui divise le sujet autiste, mais auquel il reste accolé, avec le bord béant ouvert sur le corps à partir des zones érogènes quand l’objet a est extrait.

L’autisme s’estompe quand un élément du bord, l’intérêt spécifique, initialement utilisé pour se protéger de l’autre et pour se valoriser, devient une véritable compétence sociale, composée de signes que le sujet s’approprie. Seules les formes les plus hautes du fonctionnement autistique parviennent à stopper [85] la scission décelée par Williams entre l’intellect et les émotions. Pour cela il est nécessaire que la jouissance attachée à la compétence intègre l’Autre de synthèse [86] et le rende dynamique [87]]. Ce dernier construit à partir de schémas conventionnels, appris par cœur, reste peu investi tant qu’il n’est pas connecté au bord. Harrisson constate que le sujet « n’a pas accès à sa mise en ordre » [88] : il est initialement figé. En revanche l’attrait pour l’intérêt spécifique peut inciter l’autiste à une acquisition spontanée de compétences sociales qui l’incite à développer de lui-même son Autre de synthèse.

Beaucoup d’institutions orientées par psychanalyse ne se préoccupent pas du diagnostic différentiel entre autisme et psychose postulant ainsi le même traitement. Cette confusion constitue un obstacle épistémologique qui freine l’élaboration d’une approche psychanalytique plus originale de l’autisme et qui entrave une ouverture à des méthodes pédagogiques mieux appropriées. La quête d’un codage du monde, et l’appui pris sur un double, peuvent sans doute rendre compte du relatif succès des méthodes d’apprentissages systématisés dans le traitement des autistes. Leur impasse sur le mode de jouissance constitue leur borne. Elles négligent les inventions du sujet, ne prennent guère appui sur les intérêts spécifiques, ne respectent pas l’objet autistique, et méconnaissent les protections élaborées contre l’angoisse.

Le psychotique tente de composer avec une jouissance rejetée, qui lui revient de l’extérieur (persécuteurs, hallucinations) ; tandis que l’autiste s’efforce à la rétention d’une jouissance maîtrisée sur un bord. Le traitement doit tenir compte de ces stratégies défensives bien différentes.

Certains cognitivistes canadiens (Mottron, Dawson) soutiennent que les autistes ne seraient en fait, ni des psychotiques, ni des malades, ni des handicapés, mais des personnes différentes qui constitueraient « une minorité constitutive de la diversité de l’humain » [89]. Cela les conduit à remettre en cause l’équation autisme = autisme avec déficience intellectuelle [90]. Il est vrai que Kanner trouve ses enfants autistes « intelligents », tandis qu’Asperger constate chez les siens « une hypertrophie compensatoire », de sorte que ni l’un ni l’autre ne songent à faire du retard mental une caractéristique du syndrome qu’ils découvrent. Selon Mottron, les autistes appartiendraient « au patrimoine de l’humanité » et il conviendrait de reconnaître leur singularité comme on l’a fait récemment pour les homosexuels. Cette opinion possède une certaine pertinence, à la condition cependant de préciser que s’ils pensent et fonctionnent différemment, c’est parce qu’ils jouissent d’une manière très spécifique. La jouissance ne fait pas retour en leur corps (schizophrénie), elle n’est pas identifiée dans l’Autre (paranoïa), elle ne connaît pas les variations spectaculaires de la maniaco-dépressive ; elle fait essentiellement retour sur un bord rassurant quand il est maîtrisé. Leur volition s’étaie sur celui-ci. Un autiste ne peut échapper à l’autisme ; mais il peut composer avec ce mode de fonctionnement spécifique. Dans le meilleur des cas, les autistes de haut niveau font le même constat que Gunilla Gerland :« Beaucoup de mes difficultés se sont atténuées, mais certaines subsistent sans changement » [91]. On peut guérir de la schizophrénie, on ne guérit pas de l’autisme, c’est l’argument majeur de ceux qui veulent en faire un handicap, et non une maladie.

Cependant, l’hypothèse du handicap implique ancrage de l’autisme dans un substrat biologique, or, malgré la mise en œuvre de moyens considérables, celui-ci ne cesse de se dérober, il se loge maintenant en des mutations génétiques, mais elles n’ont été observées que dans un nombre infime de cas. La clinique incite fortement à supposer que l’autisme n’est pas un handicap. L’élection de l’objet autistique, les conduites d’immuabilité, la rétention des objets pulsionnels, la construction d’un bord, tous ces phénomènes caractéristiques possèdent une fonction majeure : celle de protéger de l’angoisse. La plupart des témoignages d’autistes concordent pour mettre l’angoisse au principe de leurs difficultés.
« sais-tu vraiment, écrit Sellin, à quel point l’angoisse habite profondément un individu
à quel point elle ronge un individu
à quel point elle agit sur le plan individuel sur la désagrégation des premières paroles pénibles
c’est comme une connaissance totale » [92].

Grandin découvre que l’angoisse qui ne la quitte pas peut-être apaisée par une trappe de contention [93]. À partir de ce constat, elle ne cessera de la perfectionner. Rien de tel dans la trisomie 21, dans les maladies neurologiques, ou chez les patients cérébro-lésés, leur malaise vient plutôt de la perception de leurs difficultés cognitives. Quand ils reconnaissent leur handicap, ils tentent souvent de le compenser par des apprentissages, et non par la mise en œuvre de stratégies de protection contre l’angoisse. Le monde intérieur d’un sujet souffrant d’une grave atteinte du cortex cérébral le conduit à trouver « déprimant et insupportable […] la situation misérable et pathétique » dans laquelle il se trouve ; or tous ses efforts sont mobilisés vers la récupération de facultés cognitives, notamment par un énorme et difficile travail d’écriture. Zassetski ne lutte pas contre l’angoisse, mais, selon Luria, « pour vaincre une perte irrémédiable, restaurer son univers, redevenir ce qu’il a été » [94]. La clinique des névroses et des psychoses, comme celle de l’autisme, ne sont pas dominées par une diminution des facultés cognitives, tous ces modes de fonctionnement se sont avérés compatibles avec les réussites sociales et intellectuelles les plus hautes ; en revanche elles sont caractérisées par un travail inventif, pour tenir l’angoisse à l’écart, qui s’impose au sujet de manière caractéristique et originale. Il est frappant que des inventions semblables, pourtant non apprises, soient mobilisées par les sujets du même type clinique. On observe par ailleurs que les connaissances acquises sur le génome et le cerveau n’ont jusqu’alors profité à la psychiatrie que pour la compréhension de troubles dominés par une clinique des atteintes cognitives manifestes (démences, paralysie générale, encéphalite léthargique, etc.)

« Rares sont [les autistes] qui peuvent supporter la proximité, le tête-à-tête avec quelqu’un » [95], de sorte que les pratiques institutionnelles constituent le traitement privilégié. Les psychotiques en cure s’orientent le plus souvent vers la construction d’une langue personnelle, vers la mise en place d’un étayage ou d’une suppléance ; tandis que les autistes évoluent par complexification d’un bord [96], jusqu’à parvenir, dans le meilleur des cas, à faire de l’intérêt spécifique une compétence sociale.

Le constat de la permanence structurale de l’autisme appelle en psychanalyse une appréhension de celui-ci différenciée du champ des psychoses et même des pré psychoses [97].

Jean-Claude Maleval

Octobre 2013


[1Hochmann J. Histoire de l’autisme. O. Jacob. 2009, p, 419.

[2Hallmayer J. et al. Genetic heritability and shared environmental factors among twin pairs with autism. Arch Gen Psychiatry.2011, 68 (11), pp. 1095-1102.

[3Association américaine de psychiatrie. DSM-III. Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux.[1980]. Masson. Paris. 1983, p. 199.

[4Rutter M. Autistic children : Infancy to adulthooh. Seminars in Psychiatry, 1970, 2, pp. 435-450.

[5Asperger H. Autistic psychopathy in childhood, in Frith U. Autism and Asperger syndrome. Cambridge University Press. 1991, p. 87.

[6Lemay M. L’autisme aujourd’hui. O. Jacob. Paris. 2004, p. 159 et p. 165.

[7Laurent E. La bataille de l’autisme. Navarin / Le champ freudien. 2012, p. 99.

[8Schreber D.P. Mémoires d’un névropathe. [1903]. Seuil. Paris. 1975, p. 130.

[9Maleval J-C. La logique du délire. [1997]. Presses Universitaires de Rennes. 3e édition. 2011.

[10Tammet D. Born on a blue day. Hodder. London. 2006, pp. 99-101.

[11Smith D.B. Vivre avec des voix dans la tête. La Cause Freudienne, 2007, 67, p. 92.

[12Freud S. Un trouble de mémoire sur l’Acropole [1936], in Résultats, idées, problèmes. P.U.F. Paris. 1985, II, p. 227.

[13Ajuriaguerra J. Manuel de psychiatrie de l’enfant. 2e édition. Masson. Paris. 1980, p. 771.

[14Johns L. C. , Nazroo J.Y. , Bebbington P, Kuipers E. , Occurrence of Hallucinatory Experiences in A Community Sample And Ethnic Variations, The British Journal of Psychiatry, 2002, 180 (2), pp. 173-177.

[15Kanner L. . Autistic disturbances of affective contact [1943], in Berquez G. L’autisme infantile. PUF. Paris. 1983, p. 263.

[16Bleuler E. Dementia praecox ou groupe des schizophrénies [1911] E.P.E.L. G.R.E.C. Paris. 1993, p. 112.

[17Kanner L. The conception of wholes and parts in early infantil autism, American Journal of Psychiatry, 1951, 108, pp. 23-26, cité par Berquez G. L’autisme infantile. PUF. Paris. 1983, p. 106.

[18Deligny F. Les enfants et le silence. Galilée et Spirali. Paris. 1980.

[19Miller J-A. Clinique ironique. La Cause Freudienne, 1993, 23, p. 7.

[20Ouellette A. Musique autiste. Vivre et composer avec le syndrome d’Asperger. Triptyque. Montréal. 2011, p. 67.

[21Gerland G. Une personne à part entière [1996]. Autisme France Diffusion. 2004, p. 89..

[22Grandin T. Penser en images. O. Jacob. Paris. 1997, p. 119.

[23Brauner A. et F. … vivre avec un enfant autistique. PUF. Paris. 1978, p. 46.

[24Howlin P. L’évaluation du comportement social, in Rutter M. Schopler E. L’autisme. Une réévaluation du concept et des traitements. [1978] PUF. Paris. 1991, p. 75.

[25Kanner L. Autistic disturbances of affective contact [1943], in Berquez G. L’autisme infantile. PUF. Paris. 1983, pp. 262-263.

[26Frith U. L’énigme de l’autisme. [1989] O. Jacob. 1996, p. 106.

[27Il semble cependant exister des formes d’autisme « à début tardif » : le bébé paraît se comporter à un an comme un bébé normal. Ce n’est que lors de la seconde année que disparaissent les conduites adressées à l’autre. Cette constante temporelle n’évoque pas la rencontre aléatoire de circonstances déclenchantes. Elle est plus probablement liée à un moment décisif dans l’acquisition du langage. Ce que confirme la régression régulièrement observée au fil des mois même dans les formes d’autisme à début précoce. [ Saint-Georges C. La synchronie et le mamanais dans les films familiaux peuvent-ils nous éclairer sur la dynamique interactive précoce des bébés futurs autistes avec leurs parents ? Cahiers de PREAUT. Erès. Toulouse, 2013, 10, p. 94] Qui plus est, une réaction insuffisante à la voix, dès les premiers six mois, se discerne sur des films familiaux chez tous les bébés à devenir autistique. [Cassel R. Rôle du mamanais dans les interactions des bébés à devenir autistique. Cahiers de PREAUT. Erès. Toulouse, 2013, 10, p. 126

[28Rutter M. Schopler E. L’autisme. Une réévaluation du concept et des traitements. [1978]. PUF. Paris. 1991, p. 15

[29Grandin T. Penser en images. [1995]. O. Jacob. Paris. 1997, p. 49.

[30Petty L. , Ornitz E. M., Michelman J-D, Zimmerman E.G. Autistic children who become schizophrenic. Archives of General Psychiatry, 1984, 41, pp. 129-135.

[31Asperger H. Les psychopathes autistiques pendant l’enfance [1944]. Institut synthelabo. Le Plessis Robinson. 1998, p. 133.

[32Ibid., p. 138.

[33Volkmar F-R. Cohen D.J. Comorbid association of autism and schizophrenia. American Journal of Psychiatry, 1991, 148-12, pp. 1705-1707.

[34Mouridsen S.E. and al. Psychiatric morbidityin disintegrative psychosis and infantil autism : a long term follow-up study. Psychopathology, 1999, 32-4, pp. 177-183.

[35Frith U., o.c., p. 109.

[36Maleval J-C. De l’autisme de Kanner au syndrome d’Asperger. L’Evolution psychiatrique, 1998, 3, 63, pp. 293-309.

[37Bowman E.P. Asperger’s syndrom and autism : the case for a connection. British journal of Psychiatry. 1988, 152, pp. 377-382.

[38Wing L. The relationship between Asperger’s syndrome and Kanner’s autism, in Frith U. Autism and Asperger syndrom. Cambridge University Press. 1991, pp. 93-121.

[39Dovan J. Zucker C. Autism’s First Child. Atlantic Magazine. October 2010. http://www.theatlantic.com/magazine/archive/2010/10/autism-8217-s-first-child/8227/

[40Sellin B. Une âme prisonnière.[1993] R. Laffont. Paris. 1994, p. 169.

[41Sellin B. La solitude du déserteur. [1995] R. Laffont. Paris. 1998, p. 40.

[42Barron J. et S. Moi, l’enfant autiste [1992]. Plon. Paris. 1995.

[43Sinclair J. Medical Research Funding. Our voice. Newsletter of Autism Network International, 1995,3, 1 ; ou http://web.syr.edu/~jisincla/

[44Sinclair J. Ne nous pleurez pas. « Autism Network International », « Our Voice », Volume l, Numéro 3, 1993.

[45Grandin T. Penser en images. [1995] O. Jacob. Paris. 1997, p. 17.

[46Kanner L., Rodriguez A., Ashenden B. How far can autistic children go in matters of social adaptation ? Journal of autism and childhood schizophrenia, 1972, 2, 1, p. 31.

[47Asperger H., o.c., p. 106.

[48Crespin G.C. La recherche PREAUT, in La Revue Lacanienne. Juin 2013, 14, p. 101.

[49Rogé B. Autisme, comprendre et agir. Dunod. Paris. 2003, p. 89.

[50Lacan J. Discours de clôture des Journées sur les psychoses chez l’enfant. Quarto. 1984, 15, p. 30.

[51Cf Maleval J-C. Langue verbeuse, langue factuelle et phrases spontanées chez l’autiste, La Cause Freudienne, 2011, 78, pp. 77-92.

[52Williams D. Si on me touche, je n’existe plus. Robert Laffont. 1992, p. 50.

[53Sellin B. Une âme prisonnière. [1993] Robert Laffont. Paris. 1994, p. 24.

[54Berquez G. L’autisme infantile. PUF. Paris. 1983, p. 107.

[55Vidal J-M. Repérage dans le fonctionnement psychique d’autistes adultes. Revue française de psychiatrie. 1990, 8, 4, pp. 7-23.

[56Vermeulen P. Comment pense une personne autiste ? Dunod. 2005, p. 42.

[57Nazeer K. Laissez entrer les idiots. Oh Editions. 2006, p. 26.

[58Grandin T. Penser en images, o.c., p. 21.

[59Miller J-A. Clinique ironique. La Cause freudienne., 1993, 23, p. 10.

[60Grandin T. Penser en images, o.c., pp. 35-36.

[61Peirce C. S. Ecrits sur le signe. Seuil. Paris. 1978, p. 165.

[62Cf Maleval J-C. L’autiste et sa voix. Seuil. Paris. 2009.

[63Grandin T. Penser en images. O. Jacob. Paris. 1997.

[64Lefort R. et R. La distinction de l’autisme. Seuil. Paris. 2003, p. 87.

[65Grandin T. Penser en images, o.c., p. 162.

[66Lacan J. Encore. Le séminaire XX.. Seuil. Paris. 1975, p. 89.

[67Williams D. Si on me touche…, o.c., p. 293.

[68Asperger H., o.c., p. 86.

[69Kanner L. Autistic disturbances of affective contact [1943], in Berquez G. L’autisme infantile. PUF. Paris. 1983, p. 259.

[70Ibid., p. 262.

[71Williams D. Si on me touche, je n’existe plus, o.c., p. 23.

[72Tustin F. Autisme et psychose de l’enfant. [1972]. Seuil. Paris. 1977.

[73Williams D. Si on me touche, je n’existe plus, o.c., p. 55.

[74Park C. C. Histoire d’Elly. Le siège. [1967]. Calmann-Lévy. 1972, p. 283.

[75Ibid., p. 267.

[76Williams D. Si on me touche, je n’existe plus, o.c., p. 209.

[77Ibid., pp. 214-215.

[78Grandin T. Ma vie d’autiste. [1986]. O. Jacob. Paris. 1994, p. 108.

[79Park C.C. , o.c ;, p. 65.

[80Deshays A. Libre propos philosophiques d’une autiste. Presses de la Renaissance. Paris. 2009, p. 106.

[81Ibid., p. 91.

[82Hébert F. Rencontrer l’autiste et le psychotique. Vuibert. Paris. 2006, p. 139.

[83Grandin T. Ma vie d’autiste, o.c., p. 166.

[84Laurent E. Discussion, in L’autisme et la psychanalyse. Presses Universitaires du Mirail. 1992, p. 156.

[85Au sens où la scission cesse de se développer, et même régresse, mais persiste.

[86Maleval J-C. L’autiste et sa voix. Seuil. Paris. 2009.

[87« Au démarrage, constate B. Harrisson, c’est une personne référence [extérieur] qui sélectionne l’information pour l’autiste. Ensuite celui-ci parvient parfois à le faire de lui-même, mais pas dans tous les cas ». [Harrisson B. L’autisme : au-delà des apparences. ConsulTED. Rivière-du-Loup. Québec. 2010, p. 98

[88« Fondamentalement, l’autiste se base sur sa banque de données à laquelle il peut se référer pour interpréter la réalité. […] Ces données sont rigides et enregistrées à l’état pur. Elles peuvent provenir d’une personne, de la télévision, d’un livre, etc. L’autiste n’a pas accès à la mise en ordre par lui-même, sauf s’il a atteint un niveau assez élevé ». [ Harrisson B. L’autisme : au-delà des apparences, o.c., p. 85].

[89Mottron L. L’autisme : une autre intelligence. Mardaga. Belgique. 2004, p. 148.

[90Ibid., p. 30.

[91Gerland G. Une personne à part entière [1996]. Autisme France Diffusion. 2004, p. 228.

[92Sellin B. Une âme prisonnière. R. Laffont. Paris. 1994, p. 97.

[93Grandin T. Penser en images. O. Jacob. Paris. 1997, p. 70.

[94Luria A. L’homme dont le monde volait en éclat. Seuil. Paris. 1995, p. 61.

[95Laurent E. La bataille de l’autisme. Navarin/Champ freudien. 2012, p. 109.

[96Ibid., p. 103.

[97Selon Melman il faudrait considérer l’autisme comme une « affection prépsychotique », car l’autisme infantile serait « le fait d’avoir été démêlé du langage » [Melman C. Dolto, reviens ! La Revue Lacanienne, 2013, 14, p. 8.] Les phrases spontanées font objection à cette approche. Il y a de l’aliénation dans l’autisme.