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Se mettre au diapason
vendredi 13 juillet 2012, par
Dans son ouvrage [1], Mon ami Ben, Julia Romp relate son adoption d’un chat errant qu’elle présente comme la clé qui manquait pour que son fils autiste, George, puisse entrer à minima dans l’échange avec l’autre. Avec ce chat, George trouve un appui pour se faire un corps, se saisir d’une énonciation propre et rencontrer l’autre de manière apaisée.
La construction chronologique du récit met en valeur le cheminement de cette femme pour accompagner son fils dans le traitement de l’angoisse intense à laquelle tout contact avec autrui le confronte et c’est là ce qui fait l’originalité de ce témoignage. Parents et professionnels peuvent en tirer enseignement sur la façon de se proposer comme partenaire pour le sujet autiste.

Loin d’opérer par forçage pour contraindre le comportement de son fils, elle revendique le respect de ses particularités parce qu’elle a compris que les comportements de George ne sont pas des « caprices » mais bien une manifestation de son angoisse. Elle décrit son désarroi face à l’énigme que constitue d’abord le malêtre de son enfant. C’est un bébé qui pleure sans arrêt et que rien n‘apaise et plus tard, un petit garçon qui « pouvait passer de la béatitude à la fureur noire en un clin d’oeil » [2]. Très tôt, elle comprend qu’il lui faut effacer les attitudes qui convoquent son fils trop directement et provoquent son agitation et s’offre comme un point de repère rassurant et docile pour son fils.
Lorsque George s’adresse au chat d’une voix haut perchée qu’elle ne lui avait jamais entendue jusque- là, elle décide de « se mettre au diapason » en adoptant ce qui devient le « parler-chat », permettant à son fils de s’engager dans l’échange : « J’ai vite compris que la présence du chat l’incitait à parler : il me disait où se trouvait Ben, ce qu’il faisait, s’il voulait boire ou manger... Bientôt je me suis mise à répondre du même ton pour l’encourager. Je ne savais pas d’où venaient nos voix de chat ni ce qu’elles signifiaient, mais je voulais me mettre au diapason parce que j’avais depuis longtemps compris que je devais m’adapter à la façon de communiquer de George quelle qu’elle soit. » [3] Le parler-chat devient le mode d’énonciation privilégié de George et s’étend bientôt aux proches, l’entourage s’en étant saisi en voyant George si à l’aise : « aucun de nous ne comprenait pourquoi ce parler-chat était si efficace, mais nous étions bien obligés de constater qu’il aidait George à dire des choses qu’il n’avait jamais su exprimer jusque-là. […] Le parler-chat nous donnait une fenêtre sur le monde de George » [4] .
Fanny Bihan
Source : Le point du jour n°51, 13 juillet 2012, Se mettre au diapason
[1] Romp Julia, Mon ami Ben, un chat sauve un enfant de l’autisme, Jean-Claude Gawsewitch éditeur, 2011
[2] Ibid., p. 38
[3] Ibid., p. 114
[4] Ibid., p. 160